Aux Etats-Unis, mais pas seulement, les industriels tentent d’éviter à tout prix une régulation de l’ensemble du groupe des perfluorés (PFC ou PFAS), en demandant l’évaluation individuelle de chacune de ces 5000 substances sur la base d’un soi-disant besoin de plus de recherches sur les effets sanitaires.
Pour contrer cette manœuvre, avec les moyens du bord, une base de données rassemble pour la première fois des centaines d’études toxicologiques sur 29 perfluorés censés être sans risques. Or ces études font bien état d’effets nocifs sur la santé pour l’ensemble de ces substances, justifiant encore plus l’urgence d’une interdiction de groupe. La protection de notre santé ne devrait pas être retardée, et surtout pas sur la base de l’idée erronée qu’il n’y a pas encore assez de données pour soutenir l’action.
Depuis le scandale sanitaire raconté dans le film Dark Waters atour de 2 perfluorés, PFOA et PFOS, le message des fabricants de produits chimiques est que leurs produits de remplacement sont plus sûrs, moins persistants et moins toxiques. De nombreuses personnes craignent cependant qu’un produit chimique toxique n’ait été échangé contre un autre. Ce phénomène courant est connu sous le nom de « substitution regrettable » et, en règle générale, très peu de recherches existent sur le produit chimique substitué, ce qui entraîne des retards importants dans l’action.
Contrairement à l’idée selon laquelle «il y a très peu de recherches sur les PFAS de remplacement», la base de données PFAS-Tox a identifié 742 études, accessibles au public et publiées jusqu’en mai 2019, sur 29 PFAS sélectionnés qui ont été mesurés dans l’environnement ou chez l’humain. Le gagnant – avec 434 études – était le PFNA qui a été détecté dans le sang de plus de 90% des personnes vivant aux États-Unis. En fait, les deux tiers des PFAS ont chacun fait l’objet de plus de 30 études. A noter que les initiateurs du projet ont trouvé jusqu’à 400 études supplémentaires qui ont été publiées après mai 2019, et qui seront ajoutées dans une prochaine mise à jour de la base de données.
Il a fallu des dizaines d’années aux épidémiologistes, toxicologues et autres scientifiques pour mener ces études sur la santé, qui étaient principalement financées par l’argent des contribuables. Il a fallu encore deux ans à l’équipe du projet PFAS-Tox pour rassembler et organiser les données sur seulement 29 substances parmi les milliers de PFAS identifiés à ce jour. Etant donné qu’il existe peu de mécanismes de financement pour mener ce type de travail, plusieurs scientifiques ont dû travailler bénévolement sur ce projet. Ceci est à mettre en lumière vu les moyens presque illimités utilisés par les industriels pour fabriquer ce doute autour des effets sanitaires des perfluorés.
Or, vu les études compliées par le projet PFAS-Tox, il n’a pas de doute à avoir sur les effets sanitaires associés aux PFAS, au contraire les données appellent à une action urgente et globale. C’est l’une des raisons pour lesquelles les experts dans le domaine demandent instamment la gestion de tous les PFAS comme une seule classe de produits chimiques. La gestion par classe des PFAS est une approche plus efficace et plus protectrice de la santé. Cette approche déjà adoptée par l’Union Européenne, certains gouvernements et même certaines entreprises, mais il reste encore beaucoup à faire.