Une récompense pour une chercheuse de haut niveau soucieuse de transférer les connaissances scientifiques au plus grand nombre.
Madame Anne Souyris, Adjointe à la Maire de Paris chargée de la santé et des relations avec l’AP-HP, remettra le 1er juillet, la médaille Grand Vermeil à Ana SOTO, Professeure de Biologie à l’Université Tufts de Boston. La Ville de Paris lui remettra cette distinction afin de l’honorer pour son rôle pionnier dans la découverte de la perturbation endocrinienne.
La notion de Perturbateurs Endocriniens (PE) a été forgée à l’issue de la rencontre de Wingspread tenue du 26 au 28 juillet 1991 à l’initiative de Theo Colborn, à l’époque responsable scientifique du WWF USA. Cette rencontre qui a réuni 20 autres scientifiques représentant 15 disciplines scientifiques, dont Ana Soto pour la biologie, a débouché sur une déclaration de consensus qui a ouvert la voie à une des plus grandes découvertes de la biologie contemporaine.
Le rôle d’Ana Soto dans la déclaration de Winspread a été central. Elle en a été une des rédactrices. Ses recherches menées en partenariat avec Carlos Sonnenschein s’inscrivent dans le cadre plus général de la carcinogénèse (processus de formation des cancers).
Ana Soto a été l’une des pionnières à approcher le cancer comme un problème de développement en postulant, avec le Professeur Carlos Sonnenschein (Tufts University School of Medicine), la théorie du champ d’organisation tissulaire de la carcinogenèse (La société des cellules, Syllepse, 2006).
En distinguant la professeure Ana Soto, Paris récompense une carrière scientifique exemplaire, tout entière consacrée à la progression des connaissances scientifiques mais aussi au transfert de ces connaissances dans la société. Elle affirmerait ainsi sa volonté de peser de tout son poids pour contribuer à une meilleure protection de la santé humaine et la santé de l’écosystème.
Faisant écho à l’appel de Wingspread, le RES a lancé en 2017 la charte des Villes et Territoires sans Perturbateurs Endocriniens. Ana Soto est intervenue lors de la 2ème rencontre européenne le 28 septembre 2018 à Paris. A la suite de Paris et Strasbourg, la charte est aujourd’hui signée par 3 régions, 2 départements et près de 200 villes engagées directement ou via leur communauté d’agglomération.
Le RES se félicite de cette distinction qui récompense une scientifique
de haut niveau qui s’est toujours montrée
soucieuse de transférer les connaissances scientifiques dans la société.
Carrière scientifique
Argentine d’origine, formée à Buenos Aires où elle obtint son diplôme de médecin et fit ensuite un post-doc au département de Chimie Biologique, elle fut ensuite appelée à Boston à l’Université Tufts par le Professeur Carlos Sonnenschein, qui avait mis au point la première lignée cellulaire oestrogénique. Elle fut ensuite nommée Professeure de Biologie dans la même université où elle est toujours en fonction. Elle est co-auteure d’environ 200 publications répertoriées par la base de données Medline, dont la plupart dans les grandes revues de référence.
Elle est actuellement à Paris à la Chaire Blaise Pascal de Biologie à l’Ecole Normale Supérieure où elle coordonne un groupe de travail multidisciplinaire sur la théorie des organismes, ce qui fait suite à l’ouvrage qu’elle a publié avec Carlos Sonnenschein.[1] Ses travaux ont porté sur les mécanismes par lesquels les perturbateurs endocriniens, comme le bisphénol A, altèrent la morphogénèse. Plus particulièrement, ses travaux ont porté sur les effets des PE sur la glande mammaire, principalement le Bisphénol A. Ses travaux ont été parmi les premiers à mettre en évidence que les oestrogènes et les androgènes suivent une courbe dose-réponse en cloche, ce qui conduit à mettre l’accent sur les effets des faibles doses, alors que le paradigme classique de la toxicologie reposait à l’inverse sur le paradigme de Paracelse « La dose fait le poison ». A ce titre, elle participe aux travaux de l’Académie des Sciences des Etats-Unis.
Elle a reçu plusieurs distinctions, comme le Breast Cancer Fund Hero Award et le Prix Jacob Heskel Gabbay, partagé avec le Dr Carlos Sonnenschein et le Dr Patricia Hunt. Elle est membre élue du Collège Ramazzini.
La déclaration de Wingspread
La notion de Perturbateurs Endocriniens (PE) a été forgée à l’issue de la rencontre de Wingspread tenue du 26 au28 juillet 1991 à l’initiative de Theo Colborn, à l’époque responsable scientifique du WWF USA. Cette rencontre qui a réuni 20 autres scientifiques représentant 15 disciplines scientifiques, dont Ana Soto pour la biologie, a débouché sur une déclaration de consensus qui a ouvert la voie à une des plus grandes découvertes de la biologie contemporaine.
« De nombreux composés libérés dans l’environnement par les activités humaines sont capables de dérégler le système endocrinien des animaux, y compris l’homme. Les conséquences de tels dérèglements peuvent être graves, en raison du rôle de premier plan que les hormones jouent dans le développement de l’organisme ».
Le rôle d’Ana Soto dans la déclaration de Winspread a été central. Elle en a été une des rédactrices. Elle a cosigné avec Theo Colborn, peu de temps après Wingspread, en 1993 un article fondateur dans la revue de référence en Santé environnementale « Environmental Health Perspectives mettant en avant l’importance du lien santé humaine et santé de l’écosystème. [2]
Cela explique qu’elle ait été interviewée à l’occasion du 25ème anniversaire de la déclaration de Wingspread par la revue Molecular Endocrinology[3] .
Un rôle pionnier dans la découverte de la Perturbation endocrinienne
C’est de façon « accidentelle » qu’Ana Soto a découvert le phénomène de la perturbation endocrinienne, un peu à la façon dont Alexander Fleming a découvert la pénicilline. C’est en effet en découvrant que les cellules témoins cultivées en tube à essai avaient un développement supérieur à celui des cellules testées, qu’elle a mis en évidence le rôle du nonylphénol, un constituant des tubes en polystyrène « modifié ». Cette découverte donnera lieu ensuite à la mise au point d’un test cellulaire aujourd’hui adopté comme test de référence pour détecter des substances ayant un effet oestrogénique (Test E-screen). Elle fut coauteure du 1er rapport de l’Endocrine Society, qui fit le point des connaissances sur la perturbation endocrinienne en 2009 et servit de base à la déclaration de la Société qui formalisa le changement de paradigme des PE en 5 points. [4]
L’activité d’Ana Soto ne s’est pas limitée à la recherche scientifique pure. Elle a consacré une grande partie de son temps à mettre dans le débat public ces données scientifiques. Sa 1ère réunion publique en France a eu lieu en 2004 à Jussieu à l’initiative du toxicologue Henri Pézerat. Elle a participé à la 1ère réunion publique organisée à l’initiative du Réseau Environnement Santé en avril 2009 en appui à la demande alors formulée d’interdire les biberons au BPA. Elle a participé à l’audition à l’Assemblée nationale en avril 2009 par le groupe santé environnement présidé par Gérard Bapt. Elle est intervenue aux colloques du RES sur « Cancers hormono-dépendants » au Sénat en 2014 et « Maladies Neurodéveloppementales » à l’Assemblée nationale en 2015.
Elle est intervenue plus récemment dans la polémique entre ceux qui considèrent le cancer est le fruit du hasard et ceux pour qui les causes environnementales sont déterminantes[5].
Villes et Territoires Sans Perturbateurs Endocriniens
Faisant écho à l’appel de Wingspread, le RES a lancé en 2017 la charte des Villes et Territoires sans Perturbateurs Endocriniens. Ana Soto est intervenue lors de la 2ème rencontre européenne le 28 septembre 2018 à Paris. A la suite de Paris et Strasbourg, la charte est aujourd’hui signée par 3 régions, 2 départements et près de 200 villes engagées directement ou via leur communauté d’agglomération.
Le RES se félicite de cette distinction qui récompense une
scientifique de haut niveau qui s’est toujours montrée soucieuse de transférer les
connaissances scientifiques dans la
société.
[1] « The Society of Cells » (BiosSpringer-Verlag, 1999) ; publication en français « La Société des cellules » (2005 Editions Syllepse)
[2] Colborn T, vom Saal FS, Soto AM. 1993. Developmental effects of endocrine-disrupting chemicals in wildlife and humans. Environ Health Perspect 101(5):378–384,
[3] Editorial: Centennial Celebration – An Interview With Dr Ana Soto on 25 Years of Research on Endocrine Disrupting Chemicals. Mol Endocrinol, August 2016, 30(8):829–832
[4] Evanthia Diamanti-Kandarakis, Jean-Pierre Bourguignon, Linda C. Giudice, Russ Hauser, Gail S. Prins, Ana M. Soto, R. Thomas Zoeller, and Andrea C. Gore 2009 Endocrine-Disrupting Chemicals: An Endocrine Society Scientific Statement. Endocrine Reviews 30(4):293-342
[5]Hervé Morin Le Monde 23.03.2017 « Le débat sur le rôle du hasard dans le cancer relancé. »