La santé environnementale s’est invitée au congrès annuel de l’Association Dentaire Française. Le Dr Alice BARAS, Chirurgien-dentiste et membre de l’ASEF, a coanimé une conférence avec André Cicolella, Président du Réseau Environnement Santé. L’occasion de rappeler les enjeux liés à l’exposition aux perturbateurs endocriniens au cabinet dentaire pour les assistantes dentaires et les chirurgiens-dentistes reconnus comme professions à risque et les moyens simples à mettre en oeuvre pour s’en protéger.
Santé au cabinet dentaire et perturbateurs endocriniens
Alice Barras, André Cicolella
Cette séance se propose d’aborder la question des perturbateurs endocriniens présents au cabinet dentaire, et de leur impact sur la santé. La santé des personnes qui y travaillent, comme celle des personnes y venant, même temporairement.
L’expression « perturbateur endocrinien (PE) » a été créée en 1991, lors d’une réunion de 21 scientifiques de 15 disciplines différentes à Wingspread (USA) à partir d’observations d’atteintes de la reproduction chez l’humain et sur la faune faisant penser à un mécanisme commun. En 2009, la société de référence, l’’Endocrine Society conclut ainsi une revue de la littérature : « les preuves de résultats préoccupants en matière de reproduction (infertilité, cancer, malformations) venant de l’exposition aux perturbateurs endocriniens sont fortes, auxquelles il faut ajouter un nombre croissant d’effets, comme des effets thyroïdiens, neuroendocriniens, sur l’obésité et le métabolisme, sur l’insuline et l’homéostasie du glucose ».
Elle formalise le changement de paradigme des PE en 5 points :
- 1. la période d’exposition in utero est déterminante : « la période fait le poison
- 2. les effets surviennent alors que les traces directes de l’exposition ont disparu :
- 3. une exposition à plusieurs PE peut induire un effet très supérieur à celui observé pour chaque PE individuellement. C’est ce que l’on appelle l’effet cocktail.
- 4. les effets peuvent être plus forts à faible dose qu’à forte dose : la relation dose-effet suit une courbe en cloche, ce qui est en opposition avec la courbe dose-réponse linéaire habituelle
- 5. les effets des PE peuvent être transmis aux générations futures à travers les modifications épigénétiques, c’est-à-dire en perturbant l’expression des gènes.
En 2012, le rapport conjoint OMS et PNUE qualifie les PE de « menace mondiale à laquelle il faut apporter une solution ». Le 2nd rapport de l’Endocrine Society estime en 2015 qu’il y a « un fort niveau de preuve au plan mécanistique et expérimental chez l’animal, et épidémiologique chez l’humain”.
Pour la profession dentaire, les conséquences sont doubles :
- L’exposition des patients et des professionnels via les produits utilisés. Les assistants dentaires, parce que très majoritairement des femmes, sont particulièrement concernés à cause de l’impact potentiel sur la fertilité et le foetus.
- La prise en compte du MIH (Hypominéralisation des Molaires et des Incisives) qui touche 15 % à 18 % des enfants de 6 à 9 ans apparaît liée à la contamination par le Bisphénol A, voire à d’autres PE.
L’enjeu pour la profession dentaire est aujourd’hui de savoir les repérer, les éliminer ou s’en protéger. Cette séance de santé publique s’inscrit dans l’objectif de réduction de l’exposition de la population figurant dans la Stratégie nationale perturbateurs endocriniens et le Plan national environnement santé des ministères de la Santé et de l’Ecologie.
- E. Diamanti- Kandarakis et al. , Endocrine- disrupting chemicals : an Endocrine Society scientific statement , Endocrine Reviews, vol. 30/4, juin 2009, p. 293-342
- WHO-UNEP « State of the science of endocrine disrupting chemicals », 2012, www.who.int
- A. C. Gore et al., « EDC-2 : the Endocrine Society’s second scientific statement on endocrine-disrupting chemicals », Endocrine Reviews, décembre 2015.