Madame la Ministre,
Alors que les projets de traductions législatives des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat, dont vous avez la responsabilité, ont été rendus publics, nous souhaitons vous faire part de l’incompréhension de Familles rurales, de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves, de la Fédération Française des Diabétiques, de la Fédération des Parents d’Elèves de l’Enseignement Public, du Réseau Environnement Santé, de l’UFC-Que Choisir et de l’Union Nationale des Associations Familiales, quant à l’apparent abandon de la proposition SN 5.2.2, visant à interdire la publicité portant sur les produits proscrits par le Programme National Nutrition Santé.
En effet, sur la base des engagements formulés, notamment, par l’association nationale des industries alimentaires (ANIA), il a été décidé de renoncer à cette proposition visant à protéger les jeunes publics des messages publicitaires portant sur des produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés.
La dernière étude de l’UFC-Que Choisir en la matière, parue en septembre 2020, révèle, pourtant, qu’après douze ans d’autorégulation, les messages publicitaires à destination des enfants font toujours la part belle aux aliments de score D et E (88 % des spots publicitaires alimentaires destinés aux enfants). En outre, il apparaît qu’entre 2010 et 2020, les deux types d’offres alimentaires les plus promues demeurent les confiseries (32 % des spots étudiés en 2010, comme en 2020) et la restauration rapide (26 % en 2010 contre 33 % en 2020). En 10 ans, l’industrie alimentaire n’a donc aucunement modifié le modèle alimentaire qu’elle promeut, un modèle qui demeure profondément déséquilibré.
Nous avions dès 2010, mis en lumière que lorsque des aliments riches en matières grasses, sucre ou sel sont promus à la télévision, les enfants ont plus fortement tendance à les réclamer, à les obtenir, et donc à prendre potentiellement du poids. L’Organisation Mondiale de la Santé, dans son rapport d’octobre 2018 sur le sujet, recense une douzaine d’études faisant état des mêmes conclusions.
Or, si l’obésité et le surpoids surviennent dès l’enfance, ils constituent un risque à long terme pour la santé. En effet la probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte varie, selon les études, de 20 % à 50 % si l’obésité a débuté avant la puberté et de 50 % à 70 % après la puberté, avec des conséquences potentiellement graves une fois devenu adulte (diabète de type 2, hypertension artérielle, maladies cardiovasculaires, respiratoires, articulaires, cancers, attaques cérébrales…). Plus généralement, la prévalence élevée de maladies chroniques liées à la surcharge pondérale entraîne une réduction de l’espérance de vie.
Les effets néfastes de ces messages sur la santé des enfants sont avérés et appellent la création d’un encadrement législatif en la matière. La promotion de produits alimentaires auprès des jeunes publics ne peut plus échapper à toute réglementation. Force est donc de constater, après douze ans d’autorégulation des industriels, que ce mode d’action n’est pas adapté à l’enjeu de santé publique majeur que constitue la prévention et la lutte contre l’obésité infantile. L’heure n’est plus au blanc-seing, mais à la contrainte. Seul un encadrement législatif garantira une réelle protection des publics les plus jeunes face à la promotion de produits déséquilibrés.
Nos associations ne sont pas les seules organisations à le réclamer. En effet, la Cour des comptes, dans un rapport portant sur la prévention et la prise en charge de l’obésité, en date du 11 décembre 2019, puis Santé Publique France, dans une étude de juillet 2020, rappellent la nécessité, pour la France, de se doter d’une régulation normative de la publicité pour enfant, et d’interdire les messages publicitaires portant sur des produits dont la valeur nutritionnelle dispose des notes D ou E du Nutri-Score.
En outre, les industriels élaborent d’ores et déjà des produits plus équilibrés, voire très bien notés sur le plan nutritionnel. Or ces derniers ne sont que très rarement mis en avant, à l’inverse des versions grasses et sucrées de ces produits. Notre proposition ne vise ainsi pas à interdire toute publicité alimentaire, mais bien à favoriser la promotion des produits sains, ou plus sains. Il s’agit donc, en réalité, d’une mesure d’orientation des budgets publicitaires, et en aucun cas d’une demande de réduction de ces derniers. Les inquiétudes des bénéficiaires de ce marché publicitaire ne sont donc pas fondées.
Dès lors, nous vous demandons de prévoir l’encadrement des publicités alimentaires destinées aux enfants aux heures de grande écoute, afin d’apporter une traduction législative fidèle à l’appel des autorités, des ONG et des citoyens.
Dans l’attente de pouvoir évoquer ces éléments avec vous, nous vous prions d’agréer, Madame la ministre, notre haute considération.
Rodrigo ARENAS et Carla DUGAULT, co-présidents de la FCPE
Alain BAZOT, Président de l’UFC-Que Choisir
Marie-Andrée BLANC, Présidente de l’Union nationale des associations familiales (Unaf)
André CICOLELLA, Président de Réseau Environnement Santé
Dominique MARMIER, Président de Familles rurales
Gérard POMMIER, Président de la Fédération PEEP
Jean-François THEBAUT, Président de la Fédération française des diabétiques