Le Réseau Environnement Santé a conduit une opération « zéro phtalates » en partenariat avec 10 kinésithérapeutes de l’Institut de Pelvi-Périnéologie de Paris (IPPP) et 2 avocats de la commission Santé et Environnement du Syndicat des avocats de France (SAF) pour mettre en évidence la présence de phtalates dans leur cheveux, famille de perturbateurs endocriniens induisant la plupart des grandes maladies chroniques (Endocrine Society, 2015).
Les phtalates sont en particulier à l’origine de la progression d’au moins 8 maladies infantiles : asthme, déficit d’attention-hyperactivité (TDAH), troubles cognitifs, troubles du langage, reproduction (puberté précoce et volume testiculaire), obésité, hypothyroïdie et MIH (défaut de formation de l’émail des dents qui touche de 15 à 20 % des enfants de 6 à 9 ans et favorise les caries).
ll est possible de réduire de façon très importante la contamination compte tenu de l’élimination rapide des phtalates par l’organisme humain (quelques heures seulement). La contamination zéro est donc théoriquement possible ! Agissons pour identifier les sources d’exposition proches de nous et pour les éliminer.
L’ANALYSE DE CHEVEUX POUR RENDRE VISIBLE LA POLLUTION INVISIBLE
Dans la 1ère phase de cette opération (2018-2019) menée en direction des élus, la mesure a porté sur 3 métabolites de phtalates (produits de transformation dans l’organisme), en particulier le MEHP (métabolite du DEHP). La 2ème phase (2020-2021) vise à évaluer 9 phtalates (DEP, DnBP, DiBP, BBzP, DMP, DCHP, DEHP, DiNP, DnOP), les mesures portant sur les molécules elles-mêmes.
Les analyses ont ainsi révélé la présence de 7 phtalates, dans les prélèvements des 12 participant.e.s volontaires, avec différences allant de 1 à 830 pour le DiDP, de 1 à 340 pour le DEHP. Cette grande variabilité de contamination selon les participant.e.s témoigne de la possibilité d’atteindre de faibles niveaux de contamination compte tenu de l’élimination rapide des phtalates.
Ces résultats sont cohérents avec les études Esteban et Elfe de Santé publique France, qui ont déjà mis en évidence une contamination totale de la population et plus particulièrement des enfants.
Ces « substances extrêmement préoccupantes » ne devraient pas se trouver dans les cheveux, en raison des mesures d’interdiction ou de limitation prises depuis plusieurs années pour 7 d’entre eux.
Le DEHP est classé reprotoxique et cancérogène par la réglementation (REACH et CLP); le DiNP et le DiPP le seront vraisemblablement car ils sont déjà interdits dans les jouets par une directive européenne de 2005. Par ailleurs, quelques phtalates échappent à la réglementation, dont 2 retenus (DMP et DEP) pour l’opération alors que les preuves scientifiques sont suffisamment solides pour les éliminer de notre environnement.
Pour cette opération le Réseau Environnement Santé a travaillé avec le laboratoire IRES Kudzu Science, accrédité depuis 2015 par le COFRAC : https://www.kudzuscience.com/. Les échantillons de cheveux (prélevés par le RES en utilisant les kits fournis par le laboratoire) ont été analysés par chromatographie en phase liquide couplée à une détection par spectrométrie de masse en tandem (LC/MSMS) et par chromatographie en phase gazeuse couplée à une détection par spectrométrie de masse en tandem (GC/MSMS.)
LE « BIOMONITORING » : UN SUPPORT POUR EXPLIQUER ET MOBILISER
Cette opération utilise la méthode pédagogique de la recherche-action participative pour mobiliser les élus, les professionnels de santé et de la petite enfance, et plus largement tous les citoyens en prenant appui sur la communication des résultats pour créer un moment d’action. L’objectif est d’utiliser tous les leviers d’actions et de relais à disposition des participant.e.s que ce soit de la sensibilisation, de la formation, des changements de pratiques professionnelles, des travaux de décontamination venant d’acteurs publics ou privés.
L’IPPP, organisme de formation continue consacré à la pelvi périnéologie, a participé à cette opération en 2 temps. Une première campagne de prélèvements de cheveux début 2020 a permis de présenter les résultats, ainsi qu’une information détaillée, à plus de 200 participant.e.s lors du 1er congrès de l’IPPP les 18 et 19 septembre 2020 à Paris pour mobiliser la profession et sensibiliser les patients : https://www.ippp.fr/
Puis une deuxième campagne de prélèvements fin 2020 a permis de mesurer les progrès des participant.e après l’étape de sensibilisation. Les résultats montrent cependant une légère hausse de la contamination générale malgré les efforts effectués. Une piste de réflexion à considérer est une exposition plus prolongée à l’environnement intérieur pendant la période de confinement dans le contexte Covid.
François Zind et Louise Tschanz, tous deux avocats en droit de l’environnement, ont participé à cette 5ème opération à l’occasion de la journée annuelle de formation en droit de l’environnement de la commission Santé et Environnement du SAF, organisée en octobre 2020 sur le thème des perturbateurs endocriniens (En savoir plus ici).
Or, Louise Tschanz, également administratrice du Réseau Environnement Santé, présente des taux préoccupants de phtalates. De ce fait, plusieurs démarches ont été initiées auprès de l’ARS, d’entreprises et de laboratoires.
RÉDUIRE LA CONTAMINATION À LA SOURCE
Omniprésents dans notre quotidien les phtalates soulèvent depuis longtemps de nombreuses préoccupations et sont devenus emblématiques de la lutte contre les perturbateurs endocriniens. Principalement utilisés en tant que plastifiants des PVC, on les retrouve également dans l’alimentation, l’environnement intérieur, les cosmétiques, les dispositifs médicaux et les médicaments, les vieux jouets en plastique… Ils sont aussi une source de contamination de l’écosystème et participent à la chute de la biodiversité sur l’ensemble de la planète. Des phtalates ont même été trouvés sur les fourmis d’Amazonie !
➜ Des brochures grand public avec des conseils pratiques pour réduire son exposition globale aux perturbateurs endocriniens ont été récemment réalisées par la Région Centre-Val de Loire et par le Département du Tarn. Des conseils sont aussi donnés sur agir-pour-bebe.fr
Focus sur les sols en PVC
Il existe notamment une association significative entre l’exposition au PVC et l’asthme infantile. En outre, une étude suédoise, qui a suivi 3200 enfants pendant 10 ans, précise que ceux exposés au PVC de la chambre de leurs parents en période prénatale auraient 2,18 fois plus de risque de développer de l’asthme 10 ans plus tard que les enfants dont le sol de la chambre des parents est en bois. Les sols en PVC représentent 16 % de l’habitat individuel et 60 % de l’habitat collectif. Lorsque le DEHP, composé organique semi-volatil, est utilisé dans les revêtements de sol, il constitue généralement 20 à 40% du poids. Comme il n’est pas lié chimiquement aux matériaux, il est lentement émis dans l’environnement intérieur. Il est urgent de retirer ces sols en PVC.