A/ BILAN GLOBAL (OCTOBRE 2011 A FIN SEPTEMBRE 2012)
Nombre d’études chez l’homme et l’animal
Montrant des effets : 134 (94%)
• Chez l’animal : 82 dont 18 in vivo à une dose < DJA (EFSA)
• Chez l’homme : 52 (Effets sanitaires : 22 ; effets sur cellules in vitro : 30)
Ne montrant pas d’effets : 9
• Chez l’animal : 3
• Chez l’homme : 6
B/ SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE SUR LE BPA REALISEE A PARTIR DES ARTICLES ORIGINAUX MAJEURS (OCTOBRE 2011 A FIN SEPTEMBRE 2012)
1- Maladies métaboliques et cardiovasculaires
L’impact du BPA sur les troubles métaboliques et cardiovasculaires se confirme. Trois études, deux réalisées dans le cadre de la grand enquête de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES, USA), campagne 2003-2008 (1,2), et une en Chine (3) pointent les liens entre les niveaux de BPA urinaire et le phénotype obèse. Ce lien est décrit chez les enfants et adolescents avec une spécificité ethnique (1) et chez les adultes (2). Les niveaux urinaires de BPA seraient également liés à l’existence de troubles du métabolisme glucidique (diabète, résistance à l’insuline) dans l’enquête NHANES (4) et chinoise (3). L’action insulinotrope du BPA est démontrée in vitro sur des cellules pancréatiques (5) ce qui pourrait être rapproché des résultats observés chez la souris indiquant que le BPA perturbe la signalisation insulinique et le métabolisme énergétique (6). Alors que des études précédentes et récentes (7) sur cellules préadipocytaires murines isolées ont montré un effet adipogénique du BPA, une étude réalisée sur des cellules souches humaines en culture montre à l’inverse un effet inhibiteur du BPA sur la lipogénèse (8).
Le BPA apparait également comme un facteur de risque cardiovasculaire comme le montrent plusieurs études épidémiologiques qui décrivent une association statistique entre les niveaux de BPA urinaire et le degré de sténose de l’artère coronaire (9), les maladies artérielles périphériques (10), la survenue de maladies coronariennes (11) et l’hypertension (12). Des effets cardiaques arythmogènes rapides du BPA sont décrits sur le cœur de rate impliquant les récepteurs aux œstrogènes ERα and ERβ (13).
2- Cancers – prolifération cellulaire
Les données s’accumulent renforçant les liens entre BPA et processus prolifératifs cancéreux. L’impact de faibles doses de BPA sur la carcinogénèse mammaire est montré chez la souris (14). Le développement de la glande mammaire de la descendance chez le singe est augmenté par l’exposition gestationnelle au BPA (15) tandis que chez le rat femelle on note un retard de la différentiation des glandes mammaires ainsi qu’une altération de la production et de la composition du lait (16). Des études réalisées sur des lignées cancéreuses humaines et animales dont des lignées de cellules mammaires montrent un effet du BPA sur la prolifération cellulaire (17-22). Les mécanismes de signalisation mettant en jeu certains types de récepteurs activés par leur liaison avec le BPA sont identifiés. D’autres travaux (22,23) relient le processus de prolifération cellulaire induit par le BPA à des altérations épigénétiques caractérisées par des hyper ou hypométhylations de certains gènes impliqués dans la susceptibilité au cancer mammaire (BCRA1 et BCRA2) et à une altération de l’expression des gènes du cycle cellulaire (24).
3- Troubles neuro-développementaux et neuro-comportementaux
Des perturbations anatomo-fonctionnelles s’observent dans le cerveau après exposition prénatale au BPA. Une étude de population montre que l’exposition prénatale au BPA entraîne chez les garçons une augmentation significative de la réactivité émotionnelle et du comportement agressif et chez les filles une tendance anxieuse et dépressive ainsi qu’à un comportement plus agressif (25). L’impact néfaste du BPA sur le processus de mémorisation régulé par l’œstrogène E2 est montré dans deux études chez le rat femelle (26) et mâle (27) altérant les fonctions des cellules dendritiques.
Chez la souris, l’exposition fœtale au BPA provoque des effets persistants, immédiats et transgénérationnels sur le comportement social qui sont associés à des altérations de l’expression de certains gènes dans le cerveau (28). Des altérations de la morphologie des neurones hippocampaux par de faibles doses de BPA sont décrites (29). Le poisson zèbre très utilisé comme modèle de l’expression génique applicable à l’Homme confirme l’impact du BPA sur l’expression des gènes régulés par le système endocrinien impliqué dans le développement et le fonctionnement cérébral (30).
4- Troubles du développement – malformations congénitales
L’exposition fœtale chez la souris au BPA (31) ou au distilbène (mimétique du BPA) (32) entraîne chez la descendance des troubles de la croissance et du métabolisme osseux. Sur des cellules rénales de singe, de faibles concentrations de BPA suppriment la transcription du récepteur des hormones thyroïdiennes par un mécanisme non génomique (33). Une étude réalisée sur des fibroblastes prélevés chez des enfants atteints d’hypospadias, puis stimulés par du BPA, montre que celui-ci régule spécifiquement certains gènes-cible (34) chez les enfants atteints. Les niveaux de BPA mesurés dans le sang de cordon ne semblent pas en revanche être associés à la cryptorchidie chez le petit garçon (35).
5- Toxicité hépatique
Deux articles, un chez le rat (36), l’autre à partir d’une lignée humaine hépatique (37) montrent que le BPA via le stress oxydatif qu’il induit, provoque un dysfonctionnement de la fonction des hépatocytes (stéatose, lipoperoxydation).
6- Troubles de la reproduction
Les données s’accumulent sur l’impact du BPA sur les fonctions de reproduction. Les cellules germinales sont une cible du BPA comme le montrent des études. Une étude publiée chez la souris montre que l’exposition prénatale au BPA modifie le degré de méthylation des gènes dans les cellules germinales (38,39) tandis qu’une autre montre que l’expression des gènes dans des ovocytes humains en culture est modifiée par le BPA (40). La fonctionnalité des altérations induites par le BPA est mise en avant dans une étude chez le rat montrant un déclenchement précoce de la puberté chez les descendants de la troisième génération. Des biomarqueurs épigénétiques spécifiques ont été identifiés (41). Chez la souris, Le BPA affecte de manière dose-dépendante la formation des follicules primordiaux (42,43) et altère le développement périnatal des follicules et la survie des ovocytes (44), ce que confirme une étude récente réalisée chez le singe (45). Chez le rat, le BPA altère la stéroïdogenèse pouvant conduire à un dysfonctionnement testiculaire (46). Il existe une association dose-réponse linéaire positive entre les concentrations de BPA urinaire chez la femme subissant une fécondation in vitro et les échecs d’implantation embryonnaire (47).
7- Troubles respiratoires
Un risque accru de sifflement respiratoire au début de la vie est observé chez des enfants dont les mères ont été exposées au BPA durant leur grossesse (48). Chez la souris, l’exposition prénatale au BPA puis durant l’allaitement favorise l’apparition de l’asthme chez la descendance (49).
8- Altérations épigénétiques
Dans certains des travaux cités ci-dessus sont mis en avant l’existence de marques épigénétiques (altération chimique de l’ADN sans altération de la séquence nucléotidique) précoces et permanentes dans le temps caractérisant l’exposition néonatale au bisphénol A. Cela est démontré expérimentalement chez l’animal et commence à être étudié chez l’Homme. Ces marques sont la conséquence d’une modification persistante de l’expression de certaines enzymes impliquées dans le processus de méthylation/déméthylation des gènes et rendent compte des effets transgénérationnels observés. Une revue générale parue sur le sujet, consacrée aux BPA et phtalates reprend les récentes avancées dans ce domaine en pleine expansion qui permet de fournir les bases cellulaires moléculaires des effets toxiques de la perturbation hormonale et transgénérationnelle induits par le BPA (50).
9- Effets cocktail
L’effet du BPA seul ou en mélange avec d’autres perturbateurs endocriniens testés sur le modèle du poisson zèbre montre que l’exposition à des combinaisons de polluants hormono-actifs peut avoir des effets difficilement prévisibles à partir de leurs effets individuels (51,52).
10- Contamination des écosystèmes
Un nombre très important d’articles montre une contamination généralisée des écosystèmes par le BPA en particulier dans les eaux de surface, la mer, les sédiments de rivières, les boues d’épandage des stations d’épuration, imprégnant ainsi la faune (volailles, poissons, amphibiens, escargots et insectes).