COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Paris, le 21 Juin 2017
CANCER EN FRANCE 2016 : l’Institut National du Cancer est en retard d’une guerre
L’actualité offre parfois des télescopages qui éclairent une période.
15 juin : L’Institut National du Cancer (INCa) publie son rapport : « Les cancers en France 2016 »
Sa conclusion : la mortalité diminue, donc la situation s’améliore. Tabac et alcool sont les causes déterminantes des cancers, « 5 à 10 % des cancers seraient liés à l’environnement…(mais) le lien est mal connu » … Pas un mot sur les perturbateurs endocriniens.
16 juin : l’agence européenne des produits chimiques (ECHA) reconnaît le Bisphénol A comme perturbateur endocrinien pour l’humain sur la base des effets sur le développement de la glande mammaire, les fonctions cognitives et le métabolisme. Dès 2006, la conférence de consensus de Chapel Hill concluait : « L’évolution récente des maladies humaines recoupe les effets adverses observés chez l’animal de laboratoire exposé aux faibles doses de BPA, soit plus particulièrement : l’augmentation du cancer du sein et de la prostate… »
Nous sommes face à une épidémie de cancer dont nous ne combattons pas les causes
Cette épidémie est mondiale comme l’OMS en a fait le constat dès 2006 en Europe et en faisant voter par l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2011 une résolution sur la lutte contre les maladies non transmissibles (maladies cardio-vasculaires, cancers, maladies respiratoires chroniques, diabète) qualifié de « défi mondial d’ampleur épidémique ». « Depuis fort longtemps, plusieurs idées fausses font que l’on n’accorde pas toute l’importance voulue aux cardiopathies, aux accidents vasculaires cérébraux, au cancer et à d’autres maladies chroniques. L’épidémie mondiale de maladies chroniques a été largement ignorée ou sous-estimée par rapport à d’autres problèmes de santé ». Le rapport de l’INCa en est l’illustration.
La France est un des pays les plus touchés au monde par le cancer.
Selon le Centre International de Recherche sur le Cancer, la France métropolitaine est le 9ème pays au monde, mais le 6ème pour les cancers masculins et le 13ème pour les cancers féminins[1].
Les cancers hormono-dépendants sont devenus dominants au niveau mondial.
- Pour le cancer du sein : la France métropolitaine occupe la 12ème place, mais l’Ile-de-France a un taux qui la placerait en 5ème position et Paris serait en 2ème position !
- Pour le cancer de la prostate : la France métropolitaine est en 10ème position, mais le taux de la Martinique en ferait le 1er « pays au monde » avec un taux plus du double de celui de la métropole. La Nouvelle-Calédonie, la Polynésie Française, la Guadeloupe ont des taux supérieurs à celui de la métropole.
Par rapport au Japon, la France a un taux de cancer du sein près de 2 fois plus élevé et un taux de cancer de la prostate 3 fois plus élevé. Pourtant, même niveau de développement, même qualité du système de santé.
Ces cancers touchent des populations de plus en plus jeunes. Pour le cancer du sein, + 65 % entre 1980 et 2012 pour les 30-39 ans. Pour le cancer de la prostate, la progression a été 6 fois plus rapide chez les 50-59 ans que chez les 70-79 ans. Ni l’âge, ni le sur dépistage ne peuvent expliquer cette croissance.
Ces cancers hormono-dépendants sont des cancers très majoritairement environnementaux.
Les causes génétiques du cancer du sein sont estimées entre 5 et 10 %. On ne peut pas séparer comme le fait l’INCa les causes liées à l’alimentation de celles liées au mode de vie et à la pollution environnementale. L’alimentation représente 80 % de la charge en perturbateurs endocriniens. Il faut une vision globale de l’environnement. Tabac et alcool sont des facteurs minoritaires. Les perturbateurs endocriniens sont une des causes majeures en raison de la contamination généralisée de la population et du caractère transgénérationnel de leurs effets. C’est l’exposition pendant la grossesse qui génère ces cancers à l’âge adulte. L’expérimentation animale en apporte de multiples preuves, ce que l’ECHA a acté pour le bisphénol A. Une confirmation en a été apportée chez l’humain en juin 2015, par l’Ecole de Santé Publique de Berkeley, par l’analyse d’une cohorte de 9300 femmes suivies pendant 52 ans. Celles dont les mères étaient les plus contaminées par le DDT, ce pesticide organochloré utilisé massivement dans l’après-guerre, avaient près de 4 fois plus de cancers du sein. Mais les mères les plus contaminées elles-mêmes avaient un taux 5 fois plus élevé si elles avaient moins de 14 ans en 1945, ce qui confirme la vulnérabilité de l’exposition à de jeunes âges.
Aujourd’hui, avec un homme sur deux et deux femmes sur cinq touchés, nous sommes en train de perdre la guerre contre le cancer …Il est grand temps de changer de stratégie en s’attaquant aux causes environnementales.
[1] Données standardisées sur la population mondiale, ce qui permet de faire des comparaisons en gommant les différences liées aux différences démographiques entre pays.
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