Commentaire du RES sur l’analyse par SPF de l’étude ELFE
SYNTHESE
Santé Publique France a publié les résultats de l’étude ELFE « Imprégnation des femmes enceintes par les polluants de l’environnement en France en 2011 ». Elle conclut que : [1]
« les concentrations mesurées dans le volet périnatal sont généralement légèrement inférieures à celles observées dans les études antérieures françaises et étrangères »
Le fait que pour certaines substances les concentrations soient inférieures à celles observées dans d’autres pays ne signifie pas que le risque sanitaire soit pour autant inférieur en raison de la caractéristique des perturbateurs endocriniens, selon laquelle l’effet peut être plus forte à faible dose qu’à forte dose.
« l’exposition prénatale à ces polluants est soupçonnée d’avoir des répercussions sur la grossesse (prématurité, malformations congénitales, diminution du poids de naissance) ainsi que sur le développement et la santé ultérieure de l’enfant (atteintes du système reproducteur, du métabolisme, du développement psychomoteur et intellectuel et augmentation du risque de cancers). Bien que ces associations ne soient pas clairement démontrées à ce jour, la connaissance des niveaux d’imprégnation des femmes enceintes par les polluants organiques de l’environnement est une préoccupation de santé publique ».
Une première analyse de la littérature met en évidence un lien significatif entre exposition in utero à un certain nombre de perturbateurs endocriniens et atteinte de la santé de l’enfant et du futur adulte. De même, l’exposition directe à ces perturbateurs endocriniens peut affecter la santé de l’adulte.
Les données animales n’ont pas été analysées dans la présente note, mais plusieurs centaines d’études montrent des effets à des concentrations correspondant aux concentrations mesurées dans l’étude ELFE[2].
La convergence de ces études chez l’humain et des études animales permet de conclure, que la probabilité de ces effets dans l’espèce humaine est très élevée. Cela conforte la nécessité de mettre en œuvre l’objectif de réduction de l’exposition de la population, défini par la stratégie nationale perturbateurs endocriniens (SNPE), sans se référer à des seuils. [3]
Résumé des études chez l’humain :
Bisphénol A (BPA) :
- Chez l’enfant après exposition in utero : hyperactivité, déficit d’attention, anxiété
- Chez l’adulte exposé directement : diabète, hypertension, syndrome métabolique, obésité, artériopathie et problèmes de fertilité
Phtalates :
- Chez l’enfant après exposition in utero : abaissement du QI (Quotient Intellectuel) observé à l’âge de 7 ans (DnBP et DiBP), diminution de la distance ano-génitale chez les petits garçons (signe de féminisation) (DEP, BBzP, DnBP et DiBP)
- Chez l’adulte exposé directement : endométriose chez les femmes (affecte la fertilité) et stress oxydatif (mécanisme impliqué notamment dans le cancer) (DEHP) (DiBP)
Polybromés :
- Chez l’enfant après exposition in utero : altérations du fonctionnement de l’hormone thyroïdienne (impacte la différenciation sexuelle) et des troubles neuro-développementaux
- Chez l’adulte exposé directement : problèmes thyroïdiens particulièrement chez les femmes
Perfluorés :
- Chez l’enfant après exposition in utero : augmentation des épisodes de fièvre (marqueur de la présence d’une infection) (PFOS et PFOA)
- Chez l’adulte après exposition in utero : obésité à 20 ans chez les filles, baisse de la qualité du sperme et de la fertilité des hommes (PFOA)
Polychlorobiphényles (PCB) :
- Chez l’adulte après exposition in utero : atteinte de la fertilité (augmentation du temps pour concevoir) (PCB156) et augmentation du risque de cancer du sein
Pesticides :
- Chez l’enfant exposé in utero : trouble du développement du nourrisson (petit poids et petit périmètre crânien) (atrazine), baisse du QI (Quotient Intellectuel) (organophosphorés) et troubles du neuro-développement (autisme) (pyréthrinoïdes)
Cette revue de la littérature n’est pas exhaustive, le travail serait à poursuivre. Elle est cependant suffisamment cohérente pour que l’analyse des résultats de l’enquête ELFE conduise à considérer que le niveau de contamination des femmes enceintes en France représente un risque réel pour leurs enfants et pour elles-mêmes. Ceci doit conduire à une politique d’élimination à la source de cette contamination sans attendre les résultats d’autres études.
Conclusion :La présente revue de la littérature, bien que non exhaustive sur les quelques polluants de chaque catégorie étudiée ((bisphénol A, phtalates, polybromés, perfluorés, PCB), pesticides (pyréthrinoïdes…)), met en évidence un lien significatif entre exposition in utero à un certain nombre de perturbateurs endocriniens et atteinte de la santé de l’enfant et du futur adulte. De même, l’exposition directe à ces perturbateurs endocriniens peut affecter la santé de l’adulte. Les données animales n’ont pas été analysées dans la présente note, mais plusieurs centaines d’études montrent des effets à des concentrations correspondant aux concentrations mesurées dans l’étude ELFE, comme le montre le récent rapport de l’Endocrine Society. Il serait nécessaire de réaliser une revue de la littérature plus complète mais la convergence des études chez l’humain et chez l’animal permet en conséquence de conclure, que la probabilité de ces effets dans l’espèce humaine est très élevée. Cela conforte la nécessité de mettre en œuvre de façon urgente, l’objectif de réduction de l’exposition de la population défini par la stratégie nationale perturbateurs endocriniens (SNPE) et plus largement de développer une politique de protection systématique de la période de la grossesse et de la petite enfance. |
[1]Santé Publique France, « Imprégnation des femmes enceintes par les polluants de l’environnement en France en 2011, Volet périnatal du programme national de biosurveillance mis en œuvre au sein de la cohorte Elfe – Tome 1 : polluants organiques », décembre 2016.
[2]A. C. Gore et al « EDC-2: The Endocrine Society’s Second Scientific Statement on Endocrine-Disrupting Chemicals », Endocrine Reviews, décembre 2015.
[3]Ministère de l’Environnement de l’Energie et de la Mer, « Rapport du groupe de travail. Propositions pour une Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens », avril 201
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