Le RES soutient l’action de plusieurs dizaines de militants et militantes de 24 organisations paysannes, environnementales et citoyennes qui sont rassemblés le 30 mars à Besançon devant le palais des congrès où s’est déroulé le “grand oral” des candidats et candidates à l’élection présidentielle organisé par la FNSEA, pour déployer plusieurs banderoles, la principale affichant le message suivant : « Agriculture : plan de dépendance ou plan de résilience ? ». Face à la crise engendrée par la guerre en Ukraine, les organisations expriment leurs inquiétudes sur l’orientation politique proposée à court terme par le gouvernement et demandent que leurs propositions soient prises en compte.
Plusieurs dizaines de militants et militantes représentant 24 organisations environnementales, paysannes et citoyennes [1] sont rassemblées aujourd’hui devant le palais des congrès de Besançon où se déroule le “grand oral” des candidats et candidates à l’élection présidentielle, organisé par la FNSEA. Face à la crise engendrée par la guerre en Ukraine, les organisations expriment leurs inquiétudes sur l’orientation politique proposée à court terme par le gouvernement au sein de son plan de résilience, et les adaptations apportées à la stratégie européenne “De la ferme à la fourchette”[2]. Elles interpellent également les candidats et candidates à l’élection présidentielle sur leur vision à long terme des politiques agricoles et alimentaires, et leur soumettent une série de propositions pour repenser en profondeur notre système alimentaire afin qu’il soit plus résilient face aux crises d’aujourd’hui et de demain. En face du palais des congrès de Micropolis, les militants ont déployé une banderole géante de 9 mètres de long sur laquelle est écrit “Agriculture : plan de résilience ou plan de dépendance ?”, en référence aux mesures annoncées et censées soutenir les agriculteurs. D’autres bannières sont déployées pour rappeler la nécessité, dans le contexte géopolitique dramatique, de “Nourrir les gens, pas les profits” et de “Soutenir la paix, pas les engrais”. |
Revue de presse
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Si la guerre en Ukraine rappelle de façon tragique la fragilité de notre système agroalimentaire, trop dépendant de certaines matières premières importées [3], elle est aussi l’occasion de mettre en lumière les manœuvres délétères des défenseurs d’une production agricole industrielle. Au niveau national, si certaines mesures du plan de résilience [4] vont dans le bon sens (renforcement du Plan Protéines Végétales par exemple), d’autres ne constituent qu’une nouvelle perfusion, à hauteur de 550 millions d’euros, à un modèle dysfonctionnel et renforcent encore la dépendance des agriculteurs et agricultrices aux intrants chimiques (engrais de synthèse et pesticides) et à l’importation d’alimentation animale. Un double discours inquiétant d’E. Macron qui montre ses limites en matière d’écologie Le président a annoncé la nécessité de produire davantage en Europe [5], et ce, tout en respectant les normes environnementales en vigueur. Bien que ces mots semblent en apparence positifs, ils masquent la véritable intention d’Emmanuel Macron candidat, puisqu’il a également annoncé son souhait de revenir sur la stratégie “De la ferme à la fourchette” [6].En effet, sous couvert de “produire plus pour nourrir le monde”, le ministre de l’agriculture J. Denormandie et le président E. Macron ont relayé, dans le cadre de la PFUE, les mesures portées par l’agroindustrie et la FNSEA en particulier [7] : mise en culture pour la dernière année de la PAC actuelle des surfaces d’intérêt écologique – dont jachères essentielles à la biodiversité et à la restauration des sols, et autorisation de l’usage de pesticides sur ces surfaces. Nos organisations dénoncent fortement ce rétropédalage environnemental de la Commission européenne et du gouvernement français [8]. Rétropédalage d’ailleurs décrié récemment par plus de 600 scientifiques et chercheurs du monde entier [9] et qui ressemble fort à un cadeau fait aux lobbies agroindustriels, qui n’ont pas attendu la guerre en Ukraine pour promouvoir sans relâche [10] cette fausse solution de “produire plus” pour “libérer le potentiel agricole de la France” [11]. Une vision productiviste à contre-sens de la sécurité alimentaire mondiale En tant que président du Conseil de l’Union européenne, Emmanuel Macron a récemment annoncé la mise en place d’un plan d’urgence pour la sécurité alimentaire : FARM (Food and Agriculture Resilience Mission) [12]. S’il faut saluer le fait que la France prenne la mesure de la crise alimentaire qui se profile, FARM semble faire fi des connaissances et analyses sur les causes structurelles de la faim dans le monde, et se concentre sur de simples enjeux de production et gestion des marchés. “Produire plus” pour répondre à un manque de disponibilité n’est pas la solution : nous produisons suffisamment de nourriture pour nourrir l’ensemble de l’humanité. Certes, il y a un risque de pénurie alimentaire à moyen terme (12 à 18 mois), mais il est possible d’y répondre en produisant autrement, en utilisant une partie des sols actuellement destinés à l’alimentation animale et aux cultures énergétiques pour la production d’alimentation humaine et en renforçant les capacités productives des pays en développement pour assurer leur souveraineté alimentaire [13]. Les organisations de la société civile appellent les candidat·es à se saisir des enjeux agricoles et alimentaires et à faire les bons choix Alors que le modèle agricole prôné par la FNSEA depuis 60 ans a aggravé la dépendance de notre système aux énergies fossiles et à un marché très mondialisé et volatile, il est temps de s’attaquer aux causes structurelles de cette situation qui nous conduit droit dans le mur. Cette guerre doit être l’occasion de faire le choix de la durabilité et de la transition, et les candidats et candidates à l’élection présidentielle doivent proposer des mesures concrètes pour aller en ce sens. La France doit notamment demander une session extraordinaire du Comité sur la Sécurité Alimentaire Mondiale pour coordonner une réponse à la crise à la hauteur des enjeux et de la future souveraineté alimentaire mondiale.Pour sortir de nos dépendances, assurer la souveraineté alimentaire des peuples et garantir le droit à une alimentation saine et de qualité, tout en préservant la santé de notre planète, il est urgent de soutenir le monde agricole et d’engager la transition des modèles actuels de consommation et de production alimentaires vers des systèmes réellement agroécologiques et relocalisés à forte résilience. Nos organisations proposent au gouvernement et aux candidat·es à l’élection présidentielle des mesures concrètes à mettre en œuvre à court et moyen termes, et ce aux niveaux national, européen et international. |
[1] Organisations présentes sur place à Besançon (par ordre alphabétique) : Alternatiba / ANV-COP21 (groupe local de Besançon), Combat Monsanto, Faucheurs Volontaires 21, Fédération Nationale d’Agriculture Biologique, France Nature Environnement, GAB25, Générations Futures, Greenpeace France, Interbio Franche-Comté, Les Ami.e.s de la Confédération Paysanne, Les Amis de la Terre.
D’autres organisations sont également signataires de ce communiqué (par ordre alphabétique) : CCFD-Terre Solidaire, CIWF France, Confédération Paysanne, Fondation pour la Nature et l’Homme, Foodwatch France, ISF-Agrista, MIRAMAP, Réseau Environnement Santé, SOL Alternatives Agroécologiques et Solidaires, Syndicat National d’Apiculture, Terre de Liens, Terre & Humanisme, Union Nationale de l’Apiculture Française. [2] Stratégie européenne “From Farm to Fork”, qui vise notamment à réduire la dépendance de l’UE aux intrants chimiques (pesticides et engrais de synthèse) et à promouvoir l’agriculture biologique. [3] La France est dans une situation de dépendance stratégique et accrue : nos importations d’engrais azotés ont augmenté de 75% entre 2001 et 2019, nous importons du gaz et du pétrole pour faire tourner nos tracteurs, et nous dépendons également des importations de machines agricoles (1,33 milliard de déficit en 2019), de robots et de logiciels. Source : Haut commissariat au plan, juillet 2021 [4] Plan de résilience présenté par le gouvernement le 16 mars dernier. [5] Sécurité alimentaire mondiale : Macron propose un plan d’urgence face à l’invasion russe de l’Ukraine (La Libre, 24/03/22) [6] Emmanuel Macron confirme le tournant vers une agriculture du « produire plus » (Le Monde, 18/03/22) et https://twitter.com/Renaissance_UE/status/1504467866845818880 [7] Mesures adoptées le 23 mars par la Commission européenne. [8] Lettre ouverte “30 organisations environnementales, citoyennes et paysannes dénoncent l’instrumentalisation de la guerre en Ukraine par les tenants d’une agriculture productiviste” (10/03/22) [9] Food crisis due to Ukraine war calls for demand-side action: less animal products, less waste, and greening EU agricultural policy (Potsdam Institute for Climate Impact Research, 18/03/22) [10] 1988-1992 : la mise en place des jachères, un crève-cœur pour les agriculteurs (Ina, 14/03/22) [11] Cette décision de remise en culture des jachères constitue en effet une demande des lobbies de l’agriculture industrielle qui précède la crise en Ukraine. Les surfaces d’intérêt écologique représentent moins de 2% de la surface agricole européenne et sont un réservoir de biodiversité et de fertilité indispensable à notre production future. [12] Lancement de l’initiative FARM (réactive du CCFD-Terre Solidaire, 25/03/22) [13] Nous utilisons en Europe 5% des céréales à des fins industrielles principalement pour les agrocarburants (source : Our World in Data). Décider de produire à des fins d’alimentation humaine plutôt qu’énergétiques permettrait de libérer près de 15 millions de tonnes de céréales (en considérant que le volume total de céréales produit par l’Europe est de 303 millions de tonnes). |