À compter du 1er janvier 2022, les industriels devront « mettre à disposition du public » la liste de leurs produits contenant des substances considérées, par l’ANSES, comme des perturbateurs endocriniens, selon un décret publié ce mercredi 25 août [1], plus d’un an après la promulgation de la loi AGEC (relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire) du 10 février 2020, qui prévoit cette mesure dans son article 13-II.
Le RES se félicite de cette avancée même si les efforts en matière de lutte contre les perturbateurs endocriniens devraient se concentrer sur une réduction significative de l’exposition à ces substances, que ce soit par des arbitrages politiques éclairés sur le versant réglementaire, par exemple interdire les perfluorés dans les emballages alimentaires, le Danemark l’a fait, ou encore par des investissements massifs pour faire passer la Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens (SNPE) d’une politique publique marginale à une politique majeure de prévention et de santé publique, par exemple du même niveau que la politique de sécurité routière.
À quelques mois de l’élection présidentielle, c’est le moment d’écouter la forte demande de la population en matière de santé environnementale et de construire un projet ambitieux pour la France à partir des propositions des associations, comme cela avait pu être le cas avec l’interdiction du Bisphénol A dans les biberons et de la SNPE, deux demandes formulées à l’origine par le RES.
Si les industriels seront contraints par cette nouvelle mesure à un peu plus de transparence en « open data », l’essentiel de l’effort revient encore une fois aux consommateurs qui devront proactivement s’informer sur internet ou via des applications mobiles. Une proposition plus ambitieuse aurait pu être un étiquetage sous la forme d’un pictogramme très lisible figurant sur chaque emballage, dans le cadre plus large d’un Toxi-Score [2].
Le RES constate que certaines limitations injustifiées poursuivent une longue tradition d’exceptions à la règle qui entravent la sincérité de cet effort de transparence. En effet les médicaments sont exclus du périmètre de la mesure, mais elle s’applique notamment aux jouets, aux pesticides à usage agricole, humain ou vétérinaire, aux dispositifs médicaux et aux cosmétiques.
De plus, l’obligation d’information relative à la présence de perturbateurs endocriniens qualifiés de « suspectés » ne s’applique que pour les catégories de produits présentant un risque d’exposition particulier fixées par ce même arrêté. Pour une transparence sincère, il est inévitable d’inclure tous les perturbateurs endocriniens dans cette liste, qu’ils soient « avérés », « présumés », ou « suspectés ». C’est d’ailleurs dans ce sens que doit se faire la révision du règlement européen CLP relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances chimiques et des mélanges.
Ce décret est donc un petit pas bienvenu en matière de transparence en attendant des évolutions plus conséquentes. Rappelons que trente années se sont écoulées depuis que la notion de « perturbateurs endocriniens » a été forgée lors de la réunion de Wingspread les 26-28 juillet 1991. La contamination de la population par les perturbateurs endocriniens est toujours totale. Elle touche en particulier les femmes enceintes et les enfants, comme l’ont montré les études menées par Santé publique France (ELFE et ESTEBAN).
Il y a donc urgence à protéger la santé de nos enfants, les perturbateurs endocriniens sont responsables de l’augmentation de nombreuses maladies, ce qui est suffisamment alarmant pour justifier des actions ambitieuses et immédiates. Dans l’actualité, la publication de l’équipe de Claire Philippat de l’INSERM de Grenoble confirme par exemple l’impact de certains perturbateurs endocriniens sur les troubles du comportement chez l’enfant [3].
[1] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043964950
[2] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cesanteenv/l15b3701-ti_rapport-enquetehttps://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/micendocri/l15b2483_rapport-information [3] https://doi.org/10.1016/j.envint.2021.106697
Dans la presse : Le Quotidien du Médecin / Le Dauphiné libéré / Place gre’net