Dans une lettre ouverte publiée le 13 octobre, à l’initiative de l’alliance européenne pour la santé environnementale HEAL, 41 organisations, dont le RES et plusieurs des organisateurs de l’initiative citoyenne européenne réussie #StopGlyphosate, exhortent la commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides, de garantir que l’évaluation en cours du glyphosate se fonde sur sur des preuves scientifiques indépendantes actualisées et reste libre de tout intérêt particulier.
Le glyphosate est le pesticide le plus largement utilisé dans le monde. L’exposition aux herbicides à base de glyphosate a été liée à certains types de cancer, ainsi qu’à des effets indésirables sur le développement et le système hormonal.
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le glyphosate comme « probablement cancérogène pour l’homme ». Selon la législation européenne (CE 1107/2009), cette classe de produits chimiques ne peut pas être utilisée comme substance active dans les produits pesticides.
Entre-temps, l’autorité sanitaire allemande (BfR), suivie par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), a toutefois conclu que la substance ne présentait aucun autre danger ou risque pour la santé humaine, que ce soit en termes de cancérogénicité, de mutagénicité, de toxicité pour la reproduction ou de perturbation endocrinienne. La contradiction dans l’évaluation de la cancérogénicité entre les autorités de l’UE et le CIRC, ainsi que la demande de plus d’un million de citoyens d’interdire le glyphosate pour des raisons de santé, ont conduit les États membres à accepter de ne renouveler la licence du glyphosate que pour cinq ans au lieu de la période de 15 ans initialement proposée.
Avant l’expiration de la licence actuelle (prévue le 15 décembre 2022), la réévaluation du glyphosate est en cours. À notre grande inquiétude, les quatre États membres qui dirigent l’évaluation (France, Pays-Bas, Suède, Hongrie) et forment le groupe d’évaluation du glyphosate ont publié des conclusions préliminaires similaires, selon lesquelles le glyphosate satisfait aux critères d’approbation fixés dans le règlement européen sur les pesticides (CE 1107/2009). Les projets de rapports d’évaluation ont maintenant été remis à l’ECHA et à l’EFSA afin de compléter les évaluations des dangers et des risques, respectivement.
Les associations expriment leurs préoccupations concernant la procédure actuelle de renouvellement de l’évaluation du glyphosate suite aux conclusions préliminaires de quatre Etats membres de l’UE selon lesquelles la substance n’a pas d’effets nocifs sur la santé humaine et animale, ni d’effets inacceptables sur l’environnement [1].
Les organisations expriment des préoccupations spécifiques quant à la crédibilité des études qui ont été fournies par les demandeurs industriels pour soutenir le renouvellement de l’autorisation européenne du pesticide, dont l’approbation actuelle expire le 15 décembre 2022.
Une récente analyse scientifique indépendante a montré que seules deux des 38 études de génotoxicité du glyphosate (le mécanisme qui sous-tend le développement du cancer) qui ont été soumises par l’industrie pour l’évaluation de la substance active peuvent être considérées comme fiables d’un point de vue méthodologique [2]. Cela pourrait également être vrai pour d’autres études de l’industrie qui n’ont pas encore fait l’objet d’un examen indépendant.
« Des preuves scientifiques indépendantes ont associé l’exposition au glyphosate et aux produits à base de glyphosate à certains types de cancer chez l’homme, à des effets néfastes sur le développement au début de la vie et à des perturbations hormonales », souligne Genon K. Jensen, directrice exécutive de Health and Environment Alliance (HEAL). « En donnant la priorité aux études de l’industrie, la Commission de l’UE ne respecte pas son engagement pour une évaluation objective et transparente et, en fin de compte, pour garantir que les pesticides qui causent des dommages à la santé humaine ou à l’environnement soient retirés du marché européen. »
Les 41 organisations demandent à la Commission européenne de garantir que la procédure d’évaluation actuelle est basée sur des preuves scientifiques indépendantes et actualisées, et prend en considération la toxicité de la substance active glyphosate ainsi que des produits à base de glyphosate. À cet égard, ils attirent l’attention sur l’étude mondiale sur le glyphosate de l’Institut Ramazzini, qui est l’étude de toxicité la plus complète jamais réalisée sur une substance pesticide par une institution indépendante et sans but lucratif [3].
Les dispositions du règlement sur la transparence récemment introduit confèrent à la Commission européenne le pouvoir de demander à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de commander des études scientifiques « en cas de graves controverses ou de résultats contradictoires » [4]. L’évaluation du glyphosate illustre de telles circonstances et l’étude Ramazzini sur le glyphosate est une étude indépendante qui pourrait être soutenue pour répondre à ce besoin.
« L’étude mondiale sur le glyphosate, menée de manière indépendante, pourrait bien être la clé pour lever les derniers doutes des régulateurs sur la toxicité des expositions en vie réelle au glyphosate et aux produits à base de glyphosate, en ce qui concerne leur potentiel de cancer et d’autres impacts sur la santé », explique Angeliki Lyssimachou, Directrice de la Politique Scientifique à HEAL. « La Commission devrait s’assurer que tous les résultats disponibles sont dûment rapportés et pris en compte dans l’évaluation de l’UE en réponse aux préoccupations croissantes du public sur la toxicité du glyphosate. »
Notes :
Stop Glyphosate – Initiative citoyenne européenne pour l’interdiction du glyphosate http://www.banglyphosate.eu/
[1] En juin 2021, quatre Etats membres de l’UE (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) ont publié une déclaration qui conclut que le glyphosate ne présente pas de risques pour la santé humaine. https://www.env-health.org/ominous-first-step-in-eu-renewal-process-of-glyphosate-4-member-states-suggest-no-risk-for-human-health-heal-comment/
[2] Une analyse scientifique publiée en juillet 2021 a révélé que la précédente évaluation du glyphosate par l’UE était basée sur une science défectueuse, et a conclu que l’affirmation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments selon laquelle le glyphosate n’est pas génotoxique ne peut être justifiée sur la base des études des fabricants. https://www.env-health.org/revealed-eu-glyphosate-assessment-was-based-on-flawed-science/
[3] L’étude mondiale sur le glyphosate de l’Institut Ramazzini est la première étude de toxicité animale à long terme du genre, qui est actuellement réalisée dans l’une des installations animales les plus réputées au monde. https://glyphosatestudy.org/
Un webinaire spécial a été organisé en juin 2021 par HEAL en collaboration avec l’Institut Ramazzini, au cours duquel les principaux scientifiques ont présenté l’étude mondiale sur le glyphosate. https://www.env-health.org/webinar-the-global-glyphosate-study-the-most-comprehensive-study-on-worlds-most-used-pesticide-ever/
[4] https://ec.europa.eu/food/horizontal-topics/general-food-law/implementation-transparency-regulation_en