BISPHENOL A (BPA) :
L’utilisation de produits de soins pour les mains augmente jusqu’à 100 fois le taux d’absorption cutanée du BPA en cas de manipulation de papier thermique.
Une étude publiée le 22 octobre 2014 dans la revue scientifique PLOS ONE tire la sonnette d’alarme : selon Frédérick vom Saal, auteur principal de l’étude, la manipulation des tickets de caisse peut transférer des quantités importantes de bisphénol A (BPA) sur les mains et contaminer la nourriture touchée et ingérée, tout en favorisant l’absorption du composé chimique par la peau. En conséquence, la voie d’exposition cutanée entraîne une augmentation rapide des niveaux de BPA sanguin que les auteurs associent avec la prévalence croissante de certaines maladies.
En janvier 2014, l’EFSA a décidé d’abaisser la DJA (dose journalière admissible) du BPA d’un facteur de 10, soit de passer d’un niveau de 50 µg/kg pc/jour à 5 µg/kg pc/jour, en raison de l’existence de preuves de sa nocivité, notamment pour le foie, les reins et la glande mammaire. Pourtant, la DJA à 5µg/kg/j n’est pas protectrice, comme le montre la position de l’ANSES ci-dessus.
L’étude présentée ici montre que l’utilisation de désinfectants et autres produits de soins pour les mains (crèmes, désinfectants, savons) augmente considérablement (jusqu’à 100 fois) le taux d’absorption cutanée de composés lipophiles comme le BPA. Les auteurs ont constaté que lorsque des hommes et des femmes manipulent un ticket thermique juste après avoir utilisé un désinfectant pour les mains, des quantités importantes de BPA libre sont transférées à leurs mains, puis aux frites qu’ils consomment. La combinaison de l’absorption dermique et orale du BPA entraîne une augmentation maximale moyenne rapide du BPA bioactif dans le sang (7 ng/mL) et du BPA total dans les urines (20 µg/g de créatinine) en l’espace 90 min, ce qui correspond à des niveaux de BPA ayant montré un risque accru de troubles du développement, mais aussi de maladies cardiovasculaires ou de diabète de type 2 parmi les nombreux effets néfastes rapportés dans la littérature scientifique.
Les auteurs rapportent que les méthodes de gavage retenues habituellement dans les études expérimentales pour évaluer les dangers posés par les substances chimiques font que moins de 1% de la dose administrée est biodisponible dans le sang. Ces méthodes ignorent l’absorption dermique et sublinguale qui fait l’impasse sur le métabolisme de premier passage hépatique. L’évaluation des risques devrait donc impérativement prendre en considération l’utilisation de produits de soins pour la peau qui favorisent la pénétration dermique, et donc l’absorption, des contaminants environnementaux.
Les auteurs indiquent également que le papier thermique, dont sont constitués les tickets de caisse, est une source majeure de contamination au BPA du papier recyclé et de l’environnement. En outre, son utilisation entraîne la contamination d’autres produits en contact avec lui du fait de la présence de grandes quantités de BPA libre non polymérisé sur sa surface.
Dans le cadre de la présentation de la Stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens, Ségolène Royal annonçait en avril dernier sa volonté que la France devance l’Europe en ce qui concerne l’élimination du bisphénol A dans les tickets thermiques et souhaitait que sans attendre fin 2015, les « entreprises de distribution et grande distribution ainsi que les banques puissent s’engager de façon volontaire dans la suppression du bisphénol A dans leur tickets». Cette étude montre l’urgence de mettre en œuvre cette décision.
Les rapports de l’ANSES ou de l’EPA américaine sur les alternatives au BPA dans les papiers thermiques indiquent qu’il n’existe pas de substituts vraiment sûrs à l’heure actuelle. Les chercheurs de l’Université du Missouri font ainsi remarquer que le Bisphénol S (BPS), déjà utilisé comme alternative au BPA dans le papier thermique, est un autre perturbateur endocrinien qui est de surcroît davantage persistant dans l’environnement que son cousin le BPA. Cet exemple montre la nécessité de mettre en œuvre le volet innovation de la Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens pour proposer des substituts sûrs. Dans l’immédiat, la solution de remplacement passe par l’utilisation de procédés classiques d’impression.