Dans le cadre de son « Green Deal », la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est engagée à présenter au second semestre 2020 « une stratégie durable dans le domaine des produits chimiques » (Chemicals Strategy for Sustainability) visant à « garantir un environnement sans substances toxiques » à l’horizon 2030.
Attendue de longue date (7th EAP, 2013), la feuille de route (roadmap) portant sur cette future stratégie a été mise à la consultation du public, dans le contexte de la Covid-19, pour commentaires jusqu’au 20 juin 2020.
➜ Voir les commentaires du Réseau Environnement Santé / de la coalition EDC-Free Europe / de HEAL
En parallèle, le 29 juin 2020, la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI), l’une des 22 (sous-)commissions du Parlement européen, a adopté, à une écrasante majorité, une résolution définissant sa position sur la stratégie européenne dans le domaine des produits chimiques (B9-0222/2020).
➜ Voir le communiqué de la commission ENVI / Voir le communiqué de HEAL
La proposition de résolution, rédigée par la commission ENVI, a ensuite été adoptée (2020/2531(RSP)) à une large majorité par les eurodéputé.e.s lors de la séance plénière du 10 juillet 2020 par 579 voix pour, 18 contre et 84 abstentions.
➜ Voir la résolution sur la Stratégie pour la durabilité relative aux produits chimiques
La résolution demande en particulier à la Commission de mettre enfin à jour sans délai son cadre réglementaire sur les perturbateurs endocriniens. Dans son article 13 la résolution insiste que « les perturbateurs endocriniens contribuent à des augmentations significatives des maladies chroniques » et que « certains peuvent perturber le système immunitaire et ses réactions inflammatoires », réduire l’exposition permettant alors de « renforcer la résistance à des virus comme le SARS-CoV-2 ». De plus l’article 112 « invite la Commission à soutenir la création d’un réseau européen de villes et de communautés locales sans perturbateurs endocriniens ».
Les ONGs se félicitent du résultat de ce vote mais somment le Parlement européen de garantir les avancées décidées dans la résolution lorsque la Commission publiera la stratégie plus tard cette année.
➜ Voir les communiqués de la coalition EDC-Free Europe / de HEAL
Le premier point de vigilance fait suite à un autre vote qui s’est tenu lors de la plénière du 10 juillet où les eurodéputé.e.s ont eu l’occasion de s’opposer à l’autorisation de plusieurs utilisations d’un composé cancérigène et mutagène (chrome VI). Ce dernier vote a été très animé, 325 eurodéputé.e.s ont voté pour, 325 ont voté contre et 25 se sont abstenus.
L’objection est passée mais un seul vote aurait fait la différence…Ce qui est honteux dans cette histoire, c’est le double discours de certains eurodéputé.e.s rapporteurs de la résolution sur la stratégie sur les produits chimiques : Maria Spyraki (PPE, Grèce) était pour l’autorisation de cette substance toxique, Frédérique Ries (Renew Europe, Belgique) s’est abstenu.
Suite à la phase de consultation publique, qui s’est achevée le 20 juin, le deuxième point de vigilance est que le projet de texte de la stratégie (draft) fait désormais l’objet d’âpres discussions entre les services de la Commission. Le Monde a eu accès au projet de texte amendé par la DG Grow, la direction générale chargée du marché intérieur et de l’industrie, pilotée par le Français Thierry Breton, ainsi qu’aux commentaires qui l’accompagnent. Le draft n’a plus grand-chose à voir avec la version initiale portée par la DG Environnement. La DG Grow reprend notamment de fond en comble l’introduction jugée « très négative » et « créant une peur inutile chez les citoyens ».
Exit la référence aux « 74 % de substances chimiques sur le marché européen encore aujourd’hui dangereuses pour la santé humaine ou l’environnement ». Oubliées, « les alertes de la science et les préoccupations des citoyens [qui] invitent les décideurs à prendre des mesures plus fortes et plus rapides ». Effacée, « la pollution chimique (…) identifiée comme l’un des principaux facteurs qui mettent la Terre en danger et qui amplifient d’autres crises planétaires ». Ne pas écrire que « la pandémie de Covid-19 a rendu absolument évidente l’urgence de protéger la santé humaine et de la planète ». La DG Grow préfère insister sur les aspects bénéfiques des substances chimiques.
➜ Article du Monde / Communiqué de Corporate Europe Observatory
Sans compter que, troisième point de vigilance, un groupe de toxicologues aux compétences discutées et aux conflits d’intérêts voilés s’est également activé en coulisse pour faire dérailler ces avancées réglementaires.
➜ En savoir plus
Prochaines étapes : les échanges doivent se poursuivre jusqu’en août pour une communication (sans vote) au Parlement et au Conseil attendue en octobre. La stratégie pourrait ensuite se traduire, jusqu’en 2024, par des révisions des législations existantes, de nouvelles régulations ou directives.
Une pression citoyenne forte sur la Commission et sur les eurodéputé.e.s doit être maintenue tout au long de ce processus.