La déclaration d’Emmanuel Macron lors de sa récente visite aux Antilles sur l’absence de certitudes scientifiques sur les effets du chlordécone a surpris et choqué à juste titre. La révélation du scandale sanitaire du chlordécone a eu pour conséquence la conduite de nombreuses études aux Antilles qui apportent aujourd’hui la preuve de la toxicité de cette substance chez l’humain : cancer de la prostate (risque presque doublé), troubles cognitifs, obésité, perturbation de la croissance foetale… venant après de nombreuses autres études menées dans le monde qui ont conduit à classer cette substance comme cancérogène et perturbateur endocrinien. L’étude la plus récente menée chez la souris met en évidence une atteinte de la qualité du sperme transmise sur 3 générations.
La question de la toxicité du chlordécone ne devrait donc plus faire l’objet de débat. En revanche, la question de savoir comment en diminuer l’impact devrait mobiliser les responsables politiques pour répondre à l’inquiétude justifiée de la société antillaise. On ne peut se contenter en effet de gérer la situation par des seuils à ne pas dépasser dans l’alimentation, alors que l’on sait que ces seuils ne veulent rien dire s’agissant d’un perturbateur endocrinien.
Le chlordécone fait en effet partie de la grande famille de substances chimiques qui agissent comme des hormones, d’où leur nom de perturbateurs endocriniens (PE). La mise en évidence de ce phénomène date de 1991 quand 21 scientifiques se sont réunis dans la petite ville de Wingspread aux Etats-Unis pour confronter leurs données et donner un nom à ce qu’ils avaient observé. Ils écrivaient en conclusion : « De nombreux composés libérés dans l’environnement par les activités humaines sont capables de dérégler le système endocrinien des animaux, y compris l’homme. Les conséquences de tels dérèglements peuvent être graves, en raison du rôle de premier plan que les hormones jouent dans le développement de l’organisme ».
Depuis des dizaines de milliers d’études ont confirmé ce premier diagnostic. L’Organisation Mondiale de la Santé et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement ont qualifié en 2012 les PE de « menace mondiale à laquelle il faut apporter une solution ». L’Endocrine Society, société scientifique de référence au niveau mondial, a publié une déclaration en octobre 2015 : « Il y a un fort niveau de preuve au plan mécanistique et expérimental chez l’animal, et épidémiologique chez l’humain, notamment pour les effets suivants : obésité et diabète, reproduction chez la femme et l’homme, cancers hormono-dépendants chez la femme et l’homme effets thyroïdiens, neurodéveloppementaux et neuroendocriniens.”