Le 21 novembre prochain, le Sénat va réexaminer la proposition de loi relative à la création de la Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement (HAESA). Cette proposition a été déposée le 28 août dernier par Madame Marie-Christine Blandin pour le groupe EELV du Sénat et a déjà fait l’objet d’un premier débat en séance publique le 15 octobre dernier.
C’est pour répondre aux interrogations formulées à cette occasion que nous souhaitons vous faire parvenir le point de vue de nos organisations.
Du Mediator au bisphénol A, en passant par les OGM ou les prothèses PIP, pour ne s’en tenir qu’aux scandales sanitaires récents, la situation présente n’apparaît pas satisfaisante, même si des progrès ont été faits au cours des dernières années, notamment avec le développement des agences de sécurité sanitaire.
Il est nécessaire de préciser ici que le dispositif prévu ne se substitue pas aux dispositifs existants comme les comités de déontologie des agences ou les CHSCT dans les entreprises. Au contraire, il va permettre un meilleur fonctionnement de ce dispositif en offrant un lieu extérieur pour définir les règles et permettre de les appliquer au mieux de l’intérêt général, le tout sans exposer les lanceurs d’alerte à un risque personnel élevé.
L’idée centrale de la loi est qu’il faut protéger à la fois les personnes et les processus. Il y a en effet alerte, généralement parce qu’il y a eu déficit d’expertise. Il ne sert donc à rien de prévoir un dispositif de protection des personnes, si la question qui a justifié l’alerte n’est pas elle-même traitée. Par ailleurs, une alerte peut aussi aider à améliorer le processus d’expertise, et plus largement peut même être, dans certains cas, le point de départ d’un processus de recherche. L’objectif de la loi n’est pas limité aux seuls chercheurs mais concerne tout citoyen qui peut à un moment donné avoir à connaître un problème pouvant être préjudiciable pour la santé ou l’environnement.
La HAESA aura comme première tâche de définir et de contrôler les conditions de réalisation des expertises. En premier lieu, cela concerne la question des conflits d’intérêts, question qui pollue en permanence la qualité et la crédibilité des expertises. Plus largement, les règles de bonnes pratiques en expertise ne peuvent être laissées à l’appréciation de chaque comité et encore moins de chaque expert, quelle que soit la bonne volonté des uns et des autres. Cela aboutit aujourd’hui à une cacophonie qui a pour conséquence de jeter un discrédit sur l’action des autorités sanitaires. Ce sera donc la mission de la HAESA d’établir ces règles en toute transparence en fonction du meilleur état de la science.
La seconde tâche de la HAESA est la protection des lanceurs d’alerte. De nombreux scandales sanitaires et environnementaux auraient pu être évités si « ceux qui savaient » avaient pu s’exprimer sans crainte de représailles. La loi va même plus loin en prévoyant l’obligation d’alerter.
La loi prévoit aussi des limites pour éviter une utilisation malveillante du dispositif pour répondre à la crainte justifiée d’un engorgement du dispositif (Article 19 : Toute personne physique ou morale qui lance une alerte de mauvaise foi ou avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits dénoncés est punie des peines prévues par l’article 226-10 du code pénal relatif à la dénonciation calomnieuse).
Nous avons établi un certain nombre de fiches à partir de cas d’alerte récentes. La leçon qui s’en dégage est que l’existence même de la loi devrait rendre tous les acteurs plus conscients de leur responsabilité dans la mesure où ils sauront qu’un dispositif de contrôle existe. Cette analyse fait apparaître clairement que la meilleure façon de traiter les crises c’est de faire en sorte qu’elles n’aient pas lieu. Cela aussi permet de répondre aux craintes de voir la Haute Autorité submergée par les problèmes à traiter.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, l’expression de notre haute considération.
Jacques Testart (Président d’honneur de la Fondation Sciences Citoyennes)
André Cicolella (Président du RES)
Consultez notre dossier sur les cas concrets de lanceurs d’alerte.