Le RES est signataire aux côtés de 61 organisations d’une lettre à destination des institutions européennes et gouvernements nationaux; la lettre demande que la recherche publique sur le COVID-19 fasse passer la santé avant le profit.
Cette démarche est à l’initiative de Health Action International (HAI) et de European Alliance for Responsible R&D and Affordable Medicines. D’autres organisations françaises sont signataires comme France Assos Santé, Sciences Citoyennes, UFC-Que Choisir, et le Réseau DES France.
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l’épidémie de COVID-19 – la maladie causée par le nouveau coronavirus – était une pandémie mondiale [1]. Depuis janvier, la Commission européenne a alloué des millions d’euros pour promouvoir la recherche sur le COVID-19, notamment par le biais du programme Horizon 2020, de l’Initiative pour les médicaments innovants (IMI) et des prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI) [2]. Plusieurs gouvernements nationaux ont également mobilisé des ressources importantes pour soutenir le développement de diagnostics, de traitements et de vaccins.
Cette pandémie exige de l’Union européenne (UE) et des gouvernements nationaux une réponse de santé publique solide et globale qui, avant tout, se concentre sur la mise en œuvre de mesures efficaces de contrôle de l’épidémie pour ralentir ou arrêter la propagation du virus en Europe et ailleurs. Simultanément, il est nécessaire que les états membres apportent un soutien financier et scientifique à la mise au point de diagnostics, de thérapies et de vaccins dont le besoin se fait cruellement sentir. Une réponse efficace exige que tous ces outils médicaux nécessaires soient gratuits au point de livraison, en particulier pour les populations vulnérables.
L’appel accéléré de 45 millions d’euros lancé par l’IMI pour des « propositions sur le développement de thérapies et de diagnostics »[3] afin de répondre à la crise COVID-19 est un exemple des lacunes et des contradictions qui affectent la plupart des subventions, initiatives et missions financées par l’UE dans le domaine de la santé [4].
Par rapport à d’autres initiatives, telles que la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) [5] , l’appel IMI ne mentionne aucune garantie que des clauses d’accessibilité financière seront mises en place pour faciliter l’accès aux produits finaux. En outre, le financement communautaire n’empêche pas la délivrance de licences d’exploitation exclusives, malgré le risque qu’elles représentent pour l’offre face à la forte demande pendant cette pandémie. Dans la situation actuelle, l’accès rapide et généralisé aux diagnostics et aux traitements est essentiel. Les ressources du système de santé publique étant déjà surchargées, la viabilité économique ne devrait pas être mise en péril davantage par des prix excessifs des médicaments et des vaccins.
Compte tenu de la forte demande mondiale, ces technologies de santé devront être mises à la disposition des patients et des travailleurs de la santé à une échelle sans précédent. Comme les retards coûteront des vies, il convient de repenser en profondeur la manière dont la production de produits efficaces peut être rapidement étendue pour répondre à la demande après l’autorisation de mise sur le marché, et dont les obstacles financiers potentiels à l’accès à ces outils en Europe et ailleurs peuvent être levés. Compte tenu de l’urgence de la situation en matière de santé publique, nous ne pouvons pas permettre une approche de type « business as usual » dans laquelle la dynamique du marché dicte la fixation des prix au détriment de l’accès rapide et où les considérations financières – plutôt que la santé publique – déterminent où et quand les produits seront disponibles.
Nous recommandons vivement aux institutions européennes et aux gouvernements nationaux d’intégrer des garanties collectives et favorables au public, telles que la transparence concernant les contributions publiques, des clauses d’accessibilité et d’abordabilité et des licences non exclusives pour l’exploitation des produits finis, dans les appels de fonds et les investissements actuels et futurs. De telles mesures permettraient d’accroître la responsabilité publique et de limiter les inconvénients de l’exclusivité du marché associés à une licence exclusive unique, tels que des prix excessivement élevés ou une dépendance excessive à l’égard d’une source unique, qui peuvent accroître les risques de pénurie. Ces mesures permettront à terme de garantir que les vaccins et les traitements contre le coronavirus parviennent à ceux qui en ont besoin et de sauver de nombreuses vies.
Nous demandons également à la Commission européenne et aux gouvernements nationaux de respecter leur engagement en matière de transparence et de bonne gouvernance, ce qui est encore plus important en cette période de crise. Nous attendons du Parlement européen qu’il suive de près les résultats du soutien financier de l’UE à la recherche et au développement, ainsi que la production de résultats à terme. Nous comptons sur les gouvernements nationaux pour promouvoir et soutenir le travail des institutions publiques de recherche dans la lutte contre la pandémie.
Non seulement ces mesures sont essentielles pour relever les défis de la lutte contre cette pandémie mondiale, mais elles créeront un précédent en montrant qu’il est grand temps que la santé passe avant le profit. Les erreurs commises lors des précédentes épidémies ne peuvent être répétées. La pandémie COVID-19 est un signal d’alarme pour nous tous. En adoptant ces mesures, les gouvernements nationaux et l’UE seront mieux préparés à faire face aux futures épidémies et pandémies. La question n’est pas de savoir si, mais quand.
Les organisations qui soutiennent cette lettre estiment que si l’UE et les gouvernements nationaux intensifient leur réponse à cette crise de santé publique, ni l’urgence indéniable de la situation ni la gravité redoutable de la menace actuelle ne peuvent être une raison de contourner leur responsabilité et de compromettre la transparence dans l’utilisation des ressources publiques pour la protection et la promotion de la santé publique.
Nous espérons que vous prendrez en compte nos préoccupations et sommes prêts à discuter plus avant de la manière dont nos recommandations peuvent être intégrées dans les appels à la recherche et les investissements publics actuels et futurs.
[1] WORLD HEALTH ORGANISATION (WHO) Director-General’s opening remarks at the media briefing on COVID-19, 11 March 2020, available at https://www.who.int/dg/speeches/detail/who-director-general-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19—11-march-2020
[2] European Commission, Coronavirus response, Research and Innovation, available at: https://ec.europa.eu/info/live-work-travel-eu/health/coronavirus-response/medical_en#research-and-innovation
[3] INNOVATIVE MEDICINES INITIATIVE (IMI) IMI launches EUR 45m Call for proposals on the coronavirus 3 March 2020 Available at https://www.imi.europa.eu/news-events/press-releases/imi-launches-eur-45m-call-proposals-coronavirus
[4] See for instance Civil Society pronouncements Joint Letter in Reaction to Council Conclusions on FP9 4 December 2017 available at https://medicinesalliance.eu/wp-content/uploads/2017/12/Open-letter-in-reaction-to-Council-Conclusions-on-FP9.pdf Ensuring EU Funded Medical R&I Delivers for EU Citizens and Beyond 17 June 2018 Available at https://medicinesalliance.eu/wp-content/uploads/2018/06/CSO-reaction-to-FP9-Horizion-Europe-on-access.pdf and Civil society’s proposal for Horizon Europe, the next EU research framework programme September 2018
[5] CEPI – Call for Proposals: Proven vaccine technologies, applicable for large scale manufacturing,for rapid response against novel coronavirus, 2019-nCoV https://cepi.net/wp-content/uploads/2020/01/Call-text_CfP2_019-nCoV_30.01.2020-1.pdf
Organisations signataires
- Access to Medicines Ireland
- Action against AIDS Germany
- AIDES, France
- AIDS Action Europe
- Aidsfonds
- Alliance for Cancer Prevention UK
- Altroconsumo, Italy
- Armenian Women For Health and Healthy Environment NGO
- Association of European Cancer Leagues (ECL), Access to Medicines Task Force
- AURORA Universities Network
- Austrian Institute for Health Technology Assessment (AIHTA)
- Center for international Environmental Law (CIEL)
- Commons Network (CN)
- Corporate Europe Observatory (CEO)
- CurbingCorruption
- Dying for a Cure
- Ecologistas en Acción, Spain
- EKPIZO, Greece
- Epilepsie France
- European Academy of Paediatrics
- European AIDS Treatment Group (EATG)
- European Alliance for Responsible R&D and Affordable Medicines
- European Association of Hospital Pharmacists (EAHP)
- European Federation of Public Service Unions (EPSU)
- European Institute of Women’s Health
- European Public Health Alliance (EPHA)
- France Assos Santé, France
- Global Health Advocates (GHA)
- Groupe sida Genève, Switzerland
- Grupo de Ativistas em Tratamentos (GAT), Portugal
- Health Action International (HAI)
- International Association of Mutual Benefit Societies (AIM)
- Institut für Qualität und Wirtschaftlichkeit im Gesundheitswesen (IQWiG), Germany
- Istituto di Ricerche Farmacologiche Mario Negri, Italy
- Just Treatment
- La Ligue contre le cancer, FRANCE
- Médecins du Monde
- MSF Access Campaign
- NoGracias, Spain
- Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds)
- Organización de Consumidores y Usuarios (OCU), Spain
- Pesticide Action Network (PAN) Europe
- Pharmaceutical Accountability Foundation
- Prescrire
- Public Eye, Switzerland
- Réseau DES, France
- Réseau Environnement Santé
- Romanian Association Against AIDS (ARAS)
- Salud por Derecho, Spain
- Sciences Citoyennes
- SOMO – Centre for Research on Multinational Corporations
- Standing Committee of European Doctors (CPME)
- STOPAIDS
- T1International
- Test Aankoop/Test Achats, Belgium
- Transnational Institute
- Transparency International Health Initiative
- TranspariMED
- UFC-Que Choisir, France
- Universities Allied for Essential Medicines (UAEM) Europe
- Wemos