Le 10 juillet 1976, l’usine ICMESA du groupe Givaudan, propriété de la multinationale suisse Hoffman-Laroche, située à proximité de la commune de Seveso près de Milan, était le lieu d’un grave accident industriel. Un réacteur fabriquant la substance 2,4,5T (2,4,5 Trichlorophénol) explosait sous l’effet d’une surchauffe libérant un nuage toxique, dont les retombées contamineront 18 km2 sur 7 communes. Il n’y aura aucun mort à déplorer sur le moment. Seuls des cas de nausées, de maux de têtes, d’irritation oculaire et d’acné (la chloracné). Les risques chroniques par contre ont été et sont encore particulièrement lourds. La nature du produit fabriqué ne pouvait laisser dès le départ aucun doute sur la présence de dioxines chlorées, principalement la plus toxique, celle dite aujourd’hui de Seveso , la 2,3,7,8 TCDD. Cette dioxine est reconnue comme un « cancérogène chez l’humain et un puissant perturbateur endocrinien » selon les termes de Brenda Eskenazi qui coordonne les études de suivi de la population contaminée depuis 40 ans[1]. Ce sont principalement les enfants contaminés pendant la grossesse de leur mère qui paient aujourd’hui arrivés à l’âge adulte le plus lourd tribut.
Lubrizol est-il le Seveso 2019 ?
A Rouen, les analyses d’air ont montré une contamination modeste par les gaz analysés classiquement (oxydes d’azote, dioxyde de soufre). Le problème majeur aujourd’hui est celui du risque chronique. Les termes généraux de suie ou d’huile ne permettent pas d’apprécier le problème. La société Lubrizol se présente sur son site internet comme ayant une « Activité de fabrication et de vente d’additifs pour lubrifiants ». Elle possède 3 usines en France Rouen, Le Havre et Mourenx. L’usine du Havre est autorisée à faire stationner en permanence 2 wagons de chlore, autorisation portée en juin dernier à 6 wagons. Quels étaient les produits chlorés fabriqués ? Etaient-ils expédiés dans les 2 autres usines ?
On peut considérer les risques liés aux substances qui auront été dispersées et à celles qui ont été formées par la combustion. Ces additifs sont des composés organiques dont la combustion va générer des HAP (Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques). Ce sont les principaux composés des suies noires. Un certain nombre de HAP sont des cancérogènes et des Perturbateurs endocriniens. Un PE comme le nonylphénol est susceptible d’avoir été produit. La présence de composés chlorés comme les paraffines chlorées peut aussi être suspectée. Si tel est le cas, leur combustion a généré des dioxines chlorées. Dans l’immédiat, les consignes recommandant d’éviter tout contact humain et demandant la mise à l’écart des animaux et des végétaux contaminés par les suies apparaissent appropriées. C’est en priorité les femmes enceintes qui doivent éviter cette contamination.
Les autorités
sanitaires doivent fournir la composition de ces produits et les résultats des
analyses de contamination de l’environnement et ne pas en rester à
l’utilisation de mots comme suies ou huiles qui ne permettent pas de comprendre
la nature du risque. Le Premier Ministre Edouard Philippe a promis la
transparence. Cela concerne l’usine de Rouen, mais aussi celles du Havre et de
Mourenx, qui peuvent subir demain le même type de catastrophe.
[1] Eskenazi B, Warner M, Brambilla P, Signorini S, Ames J, Mocarelli P.The Seveso accident: A look at 40 years of health research and beyond. Environ Int. 2018 Dec;121(Pt 1):71-84.