Afin de sensibiliser les professionnels de la santé et de l’enfance à la contamination des phtalates de la population et de ses conséquences sur la santé des jeunes enfants, le Réseau Environnement Santé (RES) a mené dans le Tarn (janvier 2022) une opération de mesure du taux de phtalates sur 40 adultes travaillant notamment au contact d’enfants en partenariat avec le Conseil Départemental du Tarn et la Mutuelle du Rempart.
Revue de presse
• Tarn : alerte sur les perturbateurs endocriniens / La Dépêche / 10 avril
• Le conseil départemental s’engage contre les perturbateurs endocriniens / Le Journal d’Ici / 8 avril
• Une opération pilote est menée dans le Tarn pour lutter contre les phtalates / Radio TOTEM / 8 avril
• Perturbateurs endocriniens : des ennemis si envahissants / JT 19 20 France 3 Midi Pyrénées / 7 avril
POUR RÉDUIRE LES MALADIES DE NOS ENFANTS, RÉDUISONS LES PHTALATES
Omniprésents dans notre quotidien les perturbateurs endocriniens nous rendent malades. Nous sommes contaminés en permanence mais nous ne remarquons pas la présence de ces substances invisibles, inodores et sans saveur.
Les phtalates, famille de perturbateurs endocriniens composée d’une vingtaine de molécules différentes, sont en particulier à l’origine de la progression d’au moins 8 maladies infantiles pour lesquelles existent des données épidémiologiques solides, dont asthme, déficit d’attention-hyperactivité (TDAH), troubles du langage, et MIH (défaut de formation de l’émail des dents qui touche de 15 à 20 % des enfants de 6 à 9 ans et favorise les caries)[1].
Les liens contamination-maladie font l’objet de nombreuses études, récemment compliées par le RES dans le cadre d’un stage[2].
Une méta-analyse récente[3] montre notamment entre que les enfants et les adolescents les plus exposés au DEHP, un des principaux phtalates, sont 3 fois plus susceptibles d’être diagnostiqués d’un TDAH. Une étude portant sur 297 enfants avait déjà mis en évidence en 2018 que les mères les plus contaminées par le DEHP ont 3 fois plus de risque d’avoir des enfants qui développent la maladie[4]. Cela signifie qu’en réduisant l’exposition par les phtalates, il est possible de diminuer par 3 le risque pour les enfants de développer un TDAH, ce qui est considérable, aucun médicament ne peut prétendre à un tel résultat.
Même logique sur le lien entre sols en PVC et asthme. Une grande étude suédoise[5] portant sur 3200 enfants suivis pendant 10 ans démontre que le taux d’asthme est doublé en présence d’un sol en PVC dans la chambre des parents, comparé aux enfants dont le sol de la chambre des parents est en bois.
Une étude récente publiée par une équipe danoise a de plus mis en évidence une relation entre exposition aux phtalates via les médicaments et survenue de cancers chez l’enfant (ostéosarcome et lymphomes)[6].
Evitons les discours anxiogènes, il est à notre portée de faire reculer en quelques années les maladies infantiles induites par les phtalates car
Pour lutter contre les perturbateurs endocriniens, se concentrer sur les phtalates permet donc des bénéfices et résultats relativement rapides en matière de santé publique.
Il y a en effet urgence à agir pour que la santé de l’enfant ne reste pas un enjeu négligé. Cette action proposée par le RES rejoint un avis conjoint du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) et du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) du 15/10/2019, précisé en 2020 dans un article de la revue Santé Publique.
➜ https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=743
➜ https://doi.org/10.3917/spub.204.0329
L’ANALYSE DE « BRACELETS », UN SUPPORT EFFICACE ET NOVATEUR POUR ACCÉLÉRER LA PRISE DE CONSCIENCE
L’ « opération zéro phtalates » proposée par le RES est une action de sensibilisation qui utilise le support de la mesure quantitative de 9 phtalates pour mieux rendre visible cette pollution invisible. Ces 9 phtalates ont été choisis car ce sont ceux mesurés, via des prélèvements urinaires, par l’Enquête Esteban de Santé publique France (2019)[7], qui montre une contamination totale de la population, et un niveau d’imprégnation des enfants et des femmes globalement plus élevé.
La présente opération se voulant ludique et conviviale, le RES a cependant choisi de ne pas opter pour la méthode des prélèvements urinaires. Les mesures de phtalates se font via le port d’un bracelet en silicone. C’est la première que cette méthode est utilisée en Occitanie.
Le port de ces bracelets durant 7 jours (24h/24), permet de mesurer l’exposition moyenne quotidienne par voie d’inhalation et par absorption cutanée. Ces analyses permettent donc de tenir compte des conditions réelles d’exposition et d’identifier des variations inter-individus au sein d’un groupe de volontaires participant à l’opération. Seuls les résultats groupés anonymisés sont communiqués publiquement.
Pour cette opération le RES a travaillé avec le laboratoire IRES Kudzu Science, accrédité depuis 2015 par le COFRAC : https://www.kudzuscience.com/. Méthodologie analytique : les bracelets ont été découpés en morceaux puis transférés dans un flacon en verre. Un volume précis d’un mélange de solvant organique est ajouté pour l’extraction puis l’extrait est analyse par chromatographie en phase liquide couplée avec une détection par spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) et par chromatographie en phase gazeuse couplée avec une détection par spectrométrie de masse en tandem (GC-MS/MS).
RÉSULTATS DES ANALYSES : UNE CONTAMINATION GÉNÉRALISÉE ET DE GRANDES DISPARITÉS
La grille d’analyse générale est simple : l’ensemble de ces « substances extrêmement préoccupantes » ne devraient pas se trouver dans les bracelets, en raison des mesures d’interdiction ou de limitation prises depuis plusieurs années pour 7 d’entre eux.
Le DEHP, retrouvé chez l’ensemble des volontaires, est classé reprotoxique et cancérogène par la réglementation
Les 40 volontaires sont contaminés par 7 phtalates sur les 9 testés, avec des différences allant de 1 à 183 pour le DiDP, de 1 à 84 pour le DiNP, de 1 à 51 pour le DEHP.
Bonne nouvelle : la personne la plus contaminée peut réduire son exposition au moins d’un facteur 50 pour se rapprocher du niveau d’exposition le plus bas du groupe. Grâce à cette opération « Bracelets », les participant.e.s sont incités à devenir des ambassadeurs-ices de la lutte contre les phtalates.
Le graphique suivant montre une grande variation de contamination, autant en quantité que pour la répartition de chaque phtalate mesuré.
Comment lire ce graphique ? Chaque ligne correspond à un.e participant.e.
9 phtalates différents ont été testés : chaque phtalate est représenté par une couleur pour une meilleure lisibilité.
IDENTIFIER ET RÉDUIRE LES SOURCES D’EXPOSITION DU QUOTIDIEN
Les phtalates s’éliminant tous les jours, le niveau de contamination diminuera très rapidement en éliminant la source de la contamination de notre environnement quotidien.
Certains phtalates peuvent être associés en particulier à certains produits mais peuvent aussi se retrouver dans des produits très différents. C’est donc à titre simplement indicatif que nous vous proposons le tableau suivant :
DEHP | Cosmétiques, parfums, plastiques flexibles en PVC, sols en PVC, contenants/emballages alimentaires, matériel médical |
DiNP | Jouets pour enfants, revêtements de sol, gants, contenants/emballages alimentaires |
DiDP | Produits en PVC, poches de transfusion, tubulures, assouplissant dans les encres, peintures, vernis |
DiBP | Cosmétiques, insecticides, plastifiant des gélules |
BBP | Cosmétiques, adhésifs et colles, produits automobiles, revêtements de sol |
DnBP | Cosmétiques, insecticides, gélules de médicaments ou de compléments alimentaires |
DEP | Cosmétiques, parfums, shampoings, déodorants, vernis à ongle, gélules de médicaments ou de compléments alimentaires |
DMP | Cosmétiques, déodorants |
DnOP | Plastiques flexibles |
Des gestes simples, comme aérer régulièrement, peuvent faire barrière aux phtalates et plus largement aux perturbateurs endocriniens
➜ Le Guide « Ma maison sans perturbateurs endocriniens », réalisé par le Conseil Départemental du Tarn en partenariat avec le RES, contient de nombreux conseils pratiques pour réduire de manière globale son exposition :
https://www.tarn.fr/actualites/guide-ma-maison-sans-perturbateurs-endocriniens
➜ Des conseils sont aussi donnés par Santé publique France :
https://www.1000-premiers-jours.fr/fr/agir-sur-son-environnement
Les actions individuelles sont nécessaires mais insuffisantes pour réduire complétement l’exposition de la population. Par exemple la consommation de produits contaminés mais essentiels ne peut pas toujours être évitée volontairement par l’individu. Des actions collectives sont requises à de multiples niveaux (mondial, Europe, national, régional, départemental, intercommunalité, ville/commune, quartier) en lien avec de multiples parties prenantes.
Vers des politiques publiques à la hauteur des enjeux
• Un « GIEC » de la Santé Environnementale[8]
• Green Deal Européen : Ambition « zéro pollution » en 2050[9]
• La Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens (SNPE2) a pour objectif principal de « diminuer l’exposition de la population aux Perturbateurs Endocriniens »[10].
• La charte Villes et Territoires Sans Perturbateurs Endocriniens (VTSPE), proposée par le RES, est un engagement sur une démarche, qui permet aux collectivités de construire et d’échanger des pratiques avec un cadre de travail très large[11].
• Le Tarn est le premier département ayant adopté cette charte VTSPE et à avoir mis en place un plan d’action pluriannuel[12].
[1] Dossier de présentation de l’opération zéro phtalates : Lien
[2] https://www.reseau-environnement-sante.fr/wp-content/uploads/2021/10/memoire-fin-detudes-BEN-DHIA-Ferdaous-M2-spreg-2.pdf
[3] F.Nilsen, N. Tulve (2020) A systematic review and meta-analysis examining the interrelationships between chemical and non-chemical stressors and inherent characteristics in children with ADHD https://doi.org/10.1016/j.envres.2019.108884
[4] Engel, et al. (2018) ‘Prenatal Phthalates, Maternal Thyroid Function, and Risk of Attention-Deficit Hyperactivity Disorder in the Norwegian Mother and Child Cohort’ https://doi.org/10.1016/j.envres.2019.108884
[5] Shu, et al. (2014) ‘PVC flooring at home and development of asthma among young children in Sweden, a 10-year follow-up’, https://doi.org/10.1111/ina.12074
[6] Ahern, et al. (2022) Medication-Associated Phthalate Exposure and Childhood Cancer Incidence
https://doi.org/10.1093/jnci/djac045
[7] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/exposition-a-des-substances-chimiques/perturbateurs-endocriniens/documents/rapport-synthese/impregnation-de-la-population-francaise-par-les-phtalates-programme-national-de-biosurveillance-esteban-2014-2016
[8] https://www.reseau-environnement-sante.fr/appel-de-grenoble/
[9] https://ec.europa.eu/environment/strategy/chemicals-strategy/implementation_en
[10] https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-sur-perturbateurs-endocriniens
[11] https://www.reseau-environnement-sante.fr/vtspe/
[12] https://www.tarn.fr/actualites/plan-departemental-de-prevention-et-de-lutte-contre-les-perturbateurs-endocriniens-bilan-des-actions-menees-en-2019