Le film Dark waters sorti le 26 février relate une affaire de contamination de l’environnement par une décharge de produits perfluorés qui a secoué l’opinion publique aux Etats Unis dans les années 2000. L’étude épidémiologique menée à cette occasion a contribué à mettre en évidence une grande variété d’impacts sanitaires dans la population.
Les perfluorés (PFAS PerFluoroAlkylSubstances en anglais) font partie d’une grande famille de perturbateurs endocriniens dont les plus connus sont le PFOA et le PFOS. On les retrouve notamment dans les textiles (vêtements, chaussures, tissus, tapis, moquettes), les emballages en papier et carton pour le contact alimentaire et les ustensiles de cuisine (revêtement anti-adhésif). Ils entrent également dans la composition des mousses anti-incendie, des isolants de fils électriques, des cires à parquet, des vernis et peintures, des produits nettoyants et de certains pesticides. Les perfluorés peuvent se répandre dans l’environnement lors de leur production ou de leur utilisation. Ils migrent alors à partir des produits de consommation dans l’air, la poussière domestique, l’alimentation, les sols, les eaux souterraines et de surface jusque dans l’eau potable (Figures 1 et 2). Ils sont considérés comme « Forever chemicals », c’est-à-dire des substances que l’organismes élimine très lentement. Les enquêtes de Santé Publique France (ELFE et ESTEBAN) ont mis en évidence une contamination totale de la population, plus faible en moyenne que celles mesurées aux USA et au Canada, mais les niveaux les plus élevés correspondent à ceux induisant des effets sanitaires dans plusieurs enquêtes épidémiologiques.
En 2015, plus de 200 scientifiques signaient la déclaration de Madrid qui présentait la synthèse des connaissances sur les effets sanitaires mis en évidence par l’expérimentation animale et de plus en plus par les études épidémiologiques (cancer du testicule et du rein, dysfonctionnement hépatique, hypothyroïdie, taux élevé de cholestérol, colite ulcéreuse, petits poids et taille à la naissance, obésité, diminution de la réponse immunitaire aux vaccins, réduction des taux d’hormones et retard de la puberté). En conséquence, ils demandaient la mise en place de mesures radicales pour stopper la propagation de la pollution par les perfluorés[1]: adoption d’une loi pour exiger que les PFAS ne soient utilisés que lorsqu’ils sont indispensables, étiquetage obligatoire des produits contenant des PFAS, mise en place d’un registre public de tous les produits contenant des PFAS, identification et surveillance de tous les PFAS présents dans l’environnement, y compris leurs précurseurs et produits de dégradation, responsabilisation des fabricants et la collaboration avec les gouvernements pour éliminer de manière sécuritaire les produits contenant des PFAS, transparence de la part des fabricants sur leurs produits, développement d’alternatives non fluorées
La Convention de Stockholm sur les Polluants Organiques
Persistants (http://www.pops.int) a classé le PFOA (élimination), le PFOS
(restriction) et est en train d’examiner le PFHxS. Le remplacement se fait le
plus souvent par des substances appartenant à la même famille des perfluorés
(il en existe un millier), ce qui compte-tenu de leur structure commune, est
évidemment problématique. Les sources d’exposition restent de toute façon
encore nombreuses en raison de l’utilisation ubiquitaire de ces composés et de
l’absence de politique de récupération. En juin 2019, les ministres européens
de l’Environnement ont appelé la Commission Européenne à développer une action
pour éliminer les utilisations non-essentielles des PFAS.
[1] Traduction française sur https://www.reseau-environnement-sante.fr/wp-content/uploads/2016/01/The-Madrid-Statement-on-Poly-and-Perfluoroalkyl-Substances.pdf