Signataire de la charte des « Villes sans perturbateur endocrinien », Strasbourg s’attaque à cette pollution aussi nocive qu’omniprésente et veut s’appuyer sur le travail des volontaires de l’atelier citoyen dédié qui s’achève. Quelques pistes pour ce chantier ardu.
Ils sont partout, alors on fait comment pour s’en débarrasser ? À Strasbourg, pionnière dans la lutte contre les perturbateurs endocriniens, c’est à l’unanimité que la Ville a signé, en septembre dernier, la charte des collectivités prêtes à en découdre avec ces substances. Elles prennent la place des hormones dans les organismes et détériorent la santé des humains et des écosystèmes.
Des citoyens ont de leur côté cherché des pistes d’actions (lire ci-dessous). Leurs préconisations visent autant l’échelon national (interdire le glyphosate) qu’européen (lutter contre l’obsolescence programmée qui génère des déchets dont l’élimination produira des perturbateurs endocriniens). Au niveau local, leurs pistes convergent avec les élus, mais le chantier, immense, ne fait que commencer.
1. Exclure des marchés publics tous les produits susceptibles de contenir des perturbateurs endocriniens
La commande publique, voilà un levier que Strasbourg peut utiliser. Le marché, comme pour les barquettes en inox de la cantine, peut dans une certaine mesure s’adapter aux exigences de la collectivité. Mais ça veut quand même dire que la Ville doit produire des appels d’offres qui n’ont recours ni au plastique ni à des produits générateurs de déchets à incinérer ou enfouir. Comment fera-t-elle, ne serait-ce que pour acheter des stylos ?
2. Informer les femmes enceintes et les aider à se nourrir sans pesticides
Proposer aux femmes enceintes de Strasbourg un panier alimentaire avec des aliments bio, voire un chèque bio pour leur permettre d’accéder à une alimentation pauvre en pesticides à cette période cruciale d’exposition de leur bébé, c’est l’une des idées des ateliers citoyens.
La Ville approuve, et met déjà en place depuis cette semaine des ateliers (lire ci-dessous) pour informer les futurs parents. Pesticides et phtalates, ces deux familles de perturbateurs hormonaux, se retrouvent chez « la quasi-totalité des femmes enceintes et jeunes enfants, d’après une étude de 2011 », déplore Marie-Madeleine Braud, déléguée régionale du Réseau environnement santé.
3. Adapter les locaux qui accueillent de jeunes enfants
Dans les crèches, les services de protection maternelle et infantile (PMI) ou tous les lieux qui accueillent des tout-petits, la Ville voudrait revoir sa copie. Mais là aussi, entre les sols, les peintures, le mobilier, les jouets, les produits d’entretien, les couches, quel challenge !
« Malheureusement, il y a du PVC partout. Avec la chaleur ou avec le chauffage, ça relargue », déplore Alexandre Feltz, adjoint au maire en charge de la santé. « On va faire une sorte de diagnostic de ce que serait un lieu d’accueil pour enfants sans perturbateur endocrinien », prévoit-il.
Il y voit aussi la possibilité pour la PMI, née au départ autour des risques infectieux et de la vaccination, de « se réinventer autour de ces questions » pour éviter au maximum de fœtus et de tout-petits de baigner dans cette pollution.
4. Alerter sur l’augmentation de l’infertilité
Y aura-t-il encore des petits Strasbourgeois en 2040 ? C’est le titre d’un colloque que le Réseau environnement santé propose de mener pour alerter, comme dans d’autres régions, sur la baisse de la fertilité imputée aux perturbateurs endocriniens. « Un couple sur quatre de moins de 30 ans est actuellement infertile », pointe la déléguée régionale de RES.
« C’est impressionnant, je le vois dans mon cabinet », confirme Alexandre Feltz, avec sa casquette de médecin généraliste. « Il y a aussi une augmentation très importante de pubertés précoces. » Et ce n’est qu’une petite partie des griefs reprochés à ces substances, qu’il met notamment aussi en cause dans les diabètes, l’obésité ou les cancers hormono-dépendants (thyroïde, prostate, sein…).
Citoyens engagés en ateliers
Ludivine Quintallet fait partie des Strasbourgeois qui sont montés au créneau en 2016 contre les barquettes en plastique – elle préside aujourd’hui Cantines sans plastique France. « La Ville a pris en compte notre demande, mais j’ai constaté auprès des citoyens la volonté de poursuivre le travail et de s’informer sur les perturbateurs endocriniens. »
Elle se tourne alors vers Chantal Cutajar, adjointe au maire en charge de la démocratie locale. Un atelier en quatre volets se crée, dans le cadre du Pacte pour la démocratie locale, pour faire des préconisations aux élus. Les participants sont encore en train de les rédiger mais on peut lire les comptes rendus de leurs séances sur participer.strasbourg.eu.
Démarche constructive
Audrey Martayan fait partie de l’équipe. Avec les parents d’élèves de la Robertsau, elle avait déjà beaucoup travaillé sur le contenu des assiettes. « Ce qui m’a donné envie de participer, au-delà du thème, c’est d’avoir une réflexion entre citoyens, dans une démarche constructive, d’avoir accès à des spécialistes et à des temps d’information hyper-pertinents et d’établir une communication directe avec l’institution. »
Jean Marcel Brulé, autre participant, apprécie ces rencontres thématiques à durée limitée, qu’il trouve plus efficaces que les conseils de quartier, où « les citoyens ont du mal à s’engager sur le long terme ».
« Quand on y participe, on y tient, on s’investit », explique Marzieh Flaischer, qui suit aussi l’atelier sur les femmes issues de l’immigration. Un troisième va voir le jour suite à la pétition citoyenne pour une Atsem par classe.